Naissance illégitime à Montreux-Château
Georges de La Tour
Par LISA
Archive : AD90 2E5 65


1. Baptême


Le 25 décembre 1695 est baptisée à Montreux-Château une enfant de sexe féminin, prénommée Barbe, dont il est bien difficile de déterminer quel patronyme a pu lui être attribué ultérieurement (si elle a survécu) :


Barbe, fille illégitime de François ROSSELZ et Élisabeth
fut baptisée le 26 décembre 1695 ; ceux qui la portèrent sur les fonds de baptême furent
Jean MAIRE, meunier à Montreux, et Barbe ESTIENNE
de Porrentruy. C'est ainsi, je l'atteste.
Antoine ESTIENNE vicaire


2. Accord


Un acte découvert dans le tabellioné de la seigneurie de Montreux (2 E5 65, du 13/11/1696) éclaire, ou plutôt jette une lumière crue sur la réalité qui se cachait derrière l'acte de baptême :



Le contenu de cet acte est on ne peut plus clair :

Elizabeth REICHMENin, assistée de Jean MAIRE (le parrain de l'enfant), accepte d'abandonner l'accusation de paternité qu'elle a faite à François ROSSÉ, et toutes actions ultérieures contre celui-ci, en échange de la somme de 60 livres, que celui accepte de verser pour éviter un procès devant l'officialité d'Alsace.
On laisse le lecteur apprécier les termes employés dans la rédaction de l'acte : "prétentions, accusations, injures, vexations" contre ce pauvre homme qui n'avait certainement rien à se reprocher (humour).

Notons cependant que ce type d'acte est rarissime dans nos sources notariales.
Soit donc les procès en paternité avaient lieu, mais les sources belfortaines de l'époque n'en gardent pas la trace, soit, plus probablement, la mère de l'enfant illégitime renonçait en général à défendre ses droits.
Dans le cas ci-dessus, bien que la somme de 60 livres ne soit pas considérable, on peut penser qu'elle avait certains arguments, et certains soutiens pour tenir tête au père (présumé).

3. Protagonistes


Elizabeth REICHMENin apparaît, antérieurement aux actes de 1695/1696, comme marraine au baptême du 18/1/1691 d'Élisabeth GROSRENAUD à Montreux-Château ; elle est alors "cuisinière au château".
Ici aussi, elle est dite originaire de Harpschwiller (1).

François ROSSETZ, dans l'acte de 1696, est dit "homme d'affaire" de Monsieur de Reinach, seigneur de Montreux. Il s'agit de Philippe-Charles de Reinach-Montreux, dernier seigneur de la branche de Reinach-Montreux (voir ici la généalogie de la famille de Reinach).
Auparavant, François ROSSETZ était cuisinier de "défunt monsieur de Reinach maréchal des camps et armées du roi". Il s'agit d'Humbert-Nicolas de Reinach-Montreux, coseigneur de Montreux, frère cadet du précédent, tué le 30.6.1696 au siège de Barcelone. Malheureusement, l'histoire ne nous dit pas si François avait accompagné son maître sur les champs de bataille où celui-ci s'est illustré.
Il est certain, par contre, que c'est, plus prosaïquement, dans les cuisines du château de Montreux qu'il avait côtoyé Elizabeth.

Originaire du secteur, François a laissé quelques traces, à travers les actes suivants :
  • Donation du 5/4/1693 de François ROSSÉ à Gaspard ROSSÉ de Bretagne son frère,
  • Baptême du 30/1/1695 de François ROSSEL, fils de Joseph de Lutran ; le sr. (dominus) François ROSSEL frère du père, parrain de l'enfant,
  • Contrat de mariage du 23/12/1691 de Joseph ROSSÉ de Lutran (sans doute veuf de Jeanne OLRY) et Agathe GROSJEAN ; Gaspard et Jean ROSSÉ, de Bretagne, sont cités comme frères du mari.
Ces trois actes permettent d'identifier François ROSSÉ comme frère de Gaspard, Jean et Joseph ROSSÉ. Les 4 (ainsi que d'Alice, Antoine et Claude), étaient les enfants de David ROSSÉ, granger des seigneurs de Montreux, originaire de Dévelier, décédé à Bretagne en 1695 (voir ce contrat de mariage de 1688, ce compte de 1689 et cette amodiation de 1686).

S'il est difficile de se faire une idée précise de la vie de cette personne, le fait qu'il ait bénéficié de la civilité "le sieur" signifie qu'il avait atteint un certain statut dans la société locale.
Il ne paraît pas avoir eu de descendance dans le département (hormis la petite Barbe), on le retrouve néanmoins marié en 1698 avec Anne Marie STACKLERinne, qui teste en sa faveur le 11 mars, la signature garantissant l'identification du mari. Aucune trace du décès de l'un des époux, bien que les registres des sépultures de Montreux-Château aient été conservés, pour le début du XVIIIème siècle.

NOTES

1 Difficile de déterminer cette localité.
Dans ses "Heurs et malheurs d'une ville et d'une province" (compilations de diverses sources alsaciennes du XIIè au XVIIIè siècle, publiées en 1864), François-Antoine/Malachie Tschamser, père-gardien des franciscains de Thann, relève, p. 382, que le 3 juillet 1620, (...) les troupes [de Mansfeld] avaient progressé jusqu'à Soultz, Harpschwiller (?), Berwiller et Uffholtz.
Cette localité devrait donc se situer au voisinage des 3 autres. Or le CDHF relève le toponyme Harpswill comme variante de celui de Hartmannswiller. Il est donc possible que Harpschwiller désigne le village de Hartmannswiller.

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