Dates de changement de millésime
Gallica, Le livre des prouffitz champestres
Par LISA
Archive : AM 90000 BB1
Durant le moyen-âge, différents jours pouvaient marquer le début de l'année (changement de millésime). Les plus courants étaient les suivants :
  • 1er janvier (style de la Circoncision), en vigueur actuellement
  • 25 mars (style de l'Annonciation)
  • Pâques
  • Noël

Nous nous limiterons aux archives de la ville de Belfort, les plus anciennes qui nous sont parvenues, et aux XVème et XVIème siècles.

Belfort est dans le diocèse de Besançon, mais subit également l'influence de l'empire, à travers son seigneur Habsbourg et le diocèse de Bâle tout proche, ainsi que pour des raisons économiques (la monnaie de compte utilisée jusqu'à la fin du XVIIème siècle est la livre bâloise).

Dans le diocèse de Bâle, ainsi qu'en Allemagne et dans la plus grande partie de l'Empire, c'est le style de Noël qui est utilisé, jusque dans les années 1560, où on passe au style de la Circoncision (1er janvier).

Dans le diocèse de Besançon en revanche, du milieu du XIIIème siècle jusqu'en 1566, le style le plus couramment utilisé est le style de Pâques.

Pour cette raison, à Belfort, le style de Noël est dit "de Bâle", et le style de Pâques "de Besançon".

I Le style de Bâle

Il ne pose guère de problème au transcripteur de documents anciens.

Il suffit de se souvenir que Le changement de millésime se fait avec 7 jours d'avance. Entre le 25 et le 31 décembre, il faut soustraire un an au millésime indiqué sur l'archive ; par exemple, la date du 27 décembre 1550 correspond en fait au 27/12/1549.

II Le style de Besançon

Le style de Pâques pose en revanche des problèmes plus fréquents et plus complexes.

Dans ce style, le millésime est en retard ; la date du 1er février 1520 correspond au 01/02/1521 de notre calendrier. Un tiers environ des dates est donc concerné par la conversion.

Par ailleurs, la fête de Pâques est mobile (entre le 22 mars et le 25 avril). Il y a donc des années longues et des années courtes.
Dans les années courtes, certaines dates n'existent pas ; dans les années longues, deux jours situés à un an d'intervalle portent la même date.
Par exemple, dans le style de Besançon, l'année 1521 débute le 31 mars (31/03/1521 dans le calendrier moderne) et se termine le 19 avril (19/04/1522, veille de Pâques). Il y a donc deux 1er avril 1521.
En l'absence de précisions supplémentaires, et en dehors de registres formés d'enregistrements chronologiques, il est donc impossible de trancher, à un an près.
Dans un cas comme celui-ci, le scribe pouvait préciser "le 1er avril 1520 après Pâques" (donc le 01/04/1520) ou le "le 1er avril 1520 avant Pâques" (donc le 01/04/1521).

III Usages à Belfort

A Belfort, on assiste au passage entre le style de Besançon et celui de Bâle, vers le milieu du XVIème siècle.
Nous nous référons au 1er registre de bourgeoisie de la ville de Belfort (am Belfort bb1) -actes la plupart du temps chronologiques, qui sont principalement des réceptions de bourgeois par la ville- et aux actes du tabellionné général de sa seigneurie de Belfort (ad 90 2e1).

1) Registre bb1 de la ville de Belfort

Le dernier acte portant mention du style de Besançon est daté du 30 janvier 1550.

30-01-1551
Aujourd’huy penultieme jour du mois de janvier l’an mil
cinq cens et cinquante selon le stille de besancon a ester
receu pour bourgeois de belfort Pierre cuenot de...

Il s'agit donc d'un acte (réception en bourgeoisie de Pierre Cuenot) que nous devons dater du 30/01/1551.

Le premier acte daté du style de Bâle est du 10 janvier 1564 (sans changement).

10-01-1564
Le dixieme jour du mois de Janvier en l’an mil cinq
cens Soixante et quatre selon le stile de
Basle
, Jehan hechemand du maigny a estez receu

Entre ces deux actes, le rédacteur ne donne pas de précision, car aucun acte n'est daté d'avant le mois de mai. Sur ce document, il est impossible de savoir exactement quand l'usage du style de Bâle s'est imposé à Belfort.
Notons d'ailleurs qu'à la même époque, l'usage dans le diocèse de Bâle passait du style de Noël à celui du 1er janvier.

2) Tabellionné de la seigneurie de Belfort

La bascule entre les deux "styles" n'est pas non plus très tranchée.
En effet, le registre 2e1 001 couvre la période 6 avril 1566 - 17 mars 1567. Mais le registre 2e1 002 débute en  janvier 1570. Entre les deux, les minutes n'ont pas été conservées.

La période avril 1566 - mars 1567 montre clairement qu'on se réfère au style de Besançon ; le registre 001 couvre une année exacte, ou presque, puisque les dates de Pâques sur ces deux années sont 14 avril 1566 - 30 mars 1567.

Les actes devraient donc logiquement être tous datés de l'année 1566 (sauf ceux passés du 6 au 13 avril 1566).

C'est le cas pour l'essentiel des actes de la période critique (janvier-mars)



premier et dernier acte de la période janvier 1567 - mars 1567

dans cet acte du 5 mars, la précision "avant Pâques" est ajoutée en marge, alors qu'elle ne se justifie pas, car il s'agit d'une année courte (11 mois 1/2)

Pour la période du 6 au 13 avril 1566, les actes sont bien datés de l'année 1565 :

la précision "avant Pâques" ne se justifie pas car l'année 1565 est aussi une année courte (22 avril - 13 avril)


Toutefois, à quelques reprises, la date est donnée dans le style de Bâle

... le XIème de janvier 1567
selon le stille d'allemaingne ...


les exceptions sont plus nombreuses dans le début du registre : ci-dessus, un acte du 9 avril 1566, daté selon le style de Besançon, puis (deux actes plus loin) un acte de la même date, mais dans le style de Bâle (la précision "avant Pâques" n'étant d'aucune utilité).
On est dans le registre de 1566, il est donc tentant de se référer à cette année.

On voit donc que dans les années 1560, la bascule se fait entre les deux styles. Les clercs ont bien compris que tout est plus pratique et logique dans un système où le début d'année est toujours à la même date. Néanmoins, quels que soient leurs choix, ils ne commettent aucune erreur (on est loin des confusions auxquelles ont donné lieu le calendrier révolutionnaire en 1792-1794). Ils donnent toutes les précisions nécessaires pour éviter une erreur d'interprétation.

3) Sources régionales

Sur la même question, cette fois dans les archives de Montbéliard, les choses sont un peu confuses, car Guyotjeannin et Tock, sur la foi de Giry, lui-même sur la foi de Grotefend, affirment que "Dans le pays de Montbéliard on faisait commencer l'année tantôt au 25 mars et tantôt au 1er janvier jusqu'en 1564; à dater de celte époque ce fut cette dernière date qui prévalut."
Par contre, J. Hennequin, qui a dépouillé les archives locales, précise que le style de Pâques a encore été utilisé de 1570 à 1575.

Là encore, l'étude de l'ensemble des sources serait nécessaire.


Précisons pour conclure que cette problématique est totalement indépendante de la question du passage du calendrier julien au calendrier grégorien.

Bibliographie :
    • Giry A., Manuel de diplomatique, Paris, 1894
    • Grotefend, Art. de vérif. les dates, Dissert.,
    • Tock B.-M. & Guyotjeannin O. : "Mos presentis patrie" : les styles de changement du millésime dans les actes français (XIe-XVIe siècle) In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1999, tome 157

En ligne :

Cet article est publié par LISA sous la seule responsabilité de son auteur.  
Pour envoyer un message ou un rapport concernant cet article, veuillez vous connecter.