Montre d'armes à la fin de la période autrichienne dans le comté de Belfort
Gallica
Par Robert Billerey ; LISA
Archive : AD90 4b201

1. Présentation

Le document conservé aux Archives départementales du Territoire de Belfort sous la cote 4 B 201 est un cahier manuscrit de 46 feuillets de papier, en allemand, qui recense tous les hommes mobilisables du Comté de Belfort. Ils ont été passés en revue, avec leurs armes, le 18 juin 1604, sans doute dans le cadre de la politique de défense engagée par la Régence autrichienne d'Ensisheim à la fin du XVI° s.

Les hommes sont classés par catégories, en fonction de leur rôle militaire et de leur armement : les Schlachtschwerdter, qui portent une cuirasse et une longue épée; les Doppelsöldner, avec cuirasse et pique, payés à double solde; les Muscatierer, ou mousquetaires; les Hackhenschützen, ou arquebusiers; enfin les simples fantassins, Blose Knechten. Dans chacune de ces catégories, ils sont recensés par seigneurie, puis par mairie : seigneurie de Belfort (mairies de Belfort, Pérouse, Bethonvilliers, Châtenois, Bavilliers), seigneurie de l'Assise sur l'Eau (mairies de l'Assise/Danjoutin, et Chèvremont), seigneurie du Rosemont (mairies de Rougegoutte, Lepuix, Chaux, Lachapelle et Sermamagny, Evette, Giromagny, Etueffont, Argiésans, Vézelois), et seigneurie d'Angeot (mairies d'Angeot et Novillard). D'autres villages, dépendant de ces différentes mairies, sont encore nommés.

Au total, cette revue d'armes cite 1373 hommes, dont 449 mobilisables notés par un trait marginal. Leur âge va de 16 à 91 ans, et leur filiation est parfois indiquée.

Mais ce décompte est aussi intéressant parce qu'il signale les antécédents militaires de 48 de ces hommes, au service de différents chefs au cours des nombreux conflits du XVI°s, du Danemark à la Hongrie, ou en France même; et surtout parce qu'il fournit en même temps, par les métiers pratiqués, une image très précieuse de l'activité économique à cette époque : si nous y trouvons, comme il convient, de nombreux paysans, propriétaires-exploitants (paursman) ou journaliers (taglöhner) par exemple, les listes comptent aussi beaucoup d'artisans du bâtiment, du métal, des textiles, des métiers de transformation du cuir, de l'alimentation ou du commerce, et enfin de l'administration locale.

Cette montre d'armes n'a donc pas seulement un intérêt militaire : elle éclaire avec précision certains aspects de la société de notre région sur lesquels les documents d'archives sont encore rares, à la veille de la Guerre de Trente ans.

Pour plus de détails, et pour le texte complet de ce document (transcrit et traduit), on voudra bien se reporter au Bulletin de la Société belfortaine d'émulation n° 98 / 2007, p. 47 à 158.

R. Billerey.

2. Commentaires sur le contenu

Informations fournies

L'accent est évidemment mis sur l'équipement militaire, toutefois, la plupart du temps, il est également indiqué l'âge et la profession de l'individu.
La profession fait parfois l'objet d'une correction.

L'âge, malheureusement, est peu précis.
D'une part, comme l'a montré RB, certains âges (31, 41, 51 ...) sont trop fréquents.
D'autre part, à l'avant dernière page, 10 individus sont explicitement inscrits en double ("ante" en marge), on constate alors que l'âge de la 2nde inscription est toujours différent de celui de la 1ère.

Items barrés

Il s'agit d'erreurs,
- soit parce que l'identité était incorrecte,
- soit parce que l'individu avait déja été inscrit,
- soit parce que l'individu n'avait pas à être inscrit (décédé, dispensé, etc.)

Dans l'incertitude, nous avons conservé la ligne, sauf lorsque l'identité était incomplète.

De même, nous avons conservé les 10 individus inscrits explicitement en double ; un d'eux, d'ailleurs (Niclauss Fyetier), n'est pas identifiable dans les inscriptions antérieures.

Traits (coches) marginaux

Pour un tiers environ des individus inscrits, une coche a été inscrite dans la marge postérieurement à la constitution de la liste.
Un feuillet intercalaire, inclus dans le document, permet d'associer ces coches au passage en revue effectif des soldats.

On ignore toutefois la situation des individus non passés en revue.

Croix en marge

Aucune explication probante n'est émise sur la signification de cette mention.

Orthographe

Celle des noms et des prénoms a été parfaitement respectée ; à l'exception des "b" remplacés par des "ss".
A l'attention des usagers : le y a souvent été transcrit comme sur l'original, avec un tréma (ÿ), en minuscule comme en majuscule ; on aura donc intérêt à utiliser les caractères de contrôle (* ou ?) à la place de cette lettre.

3. Les armes citées dans le document

1 Armes blanches

1.1 Armes d'estoc
La seule arme d'estoc citée est l'espadon : lourde épée à deux mains, souvent ondulée, surtout suisse et allemande ; les soldats d'élite qui la maniaient étaient utilisés pour rompre les lignes de piques.

Aux 5 doppelsöldner belfortains de la tête de liste sont ajoutés 13 autres, qui sont numérotés en marge de 6 à 18, ce qui prouve que ces soldats étaient particulièrement précieux ; toutefois, dans le "feuillet intercalaire", le rédacteur n'en dénombre que 17 (oubliant certainement Peter Rossel, de la mairie de Chaux, numéroté 18).

R.B. estime que les autres doppelsöldner devaient aussi porter une épée.

1.2 Armes de hast
Les fantassins, et la plupart des doppelsöldner, sont munis d'une longue pique :


Le fût (de 3 à 8m) est en bois de hêtre ou de frêne ; le fer mesure une vingtaine de cm ; à l'autre extrémité, elle comporte aussi un talon ou sabot en fer.

L'épieu, porté par quelques fantassins, à la place de la pique, s'en différencie par la forme du fer.

De même, la pertuisane est une pique dont le fer est en forme de glaive.

La hallebarde est également une pique, mais le hallebardier a un statut plus élevé que le piquier ; ici, la hallebarde est portée par 11 fantassins et 67 doppelsöldner.

épieu
pertuisane
hallebarde

L'usage des piques disparaîtra progressivement au XVIIème siècle, au profit de celui des baïonnettes.

1.3 Haches

14 fantassins et 1 arquebusier sont munis d'une hache.

2 Armes à feu

La plus ancienne arme à feu est l'arquebuse ; elle est portée par 620 inscrits.
Cette arme date du début du XVème siècle :

L'arquebuse est progressivement remplacée par le mousquet, plus lourd, mais plus puissant :

Le mousquet, comme l'arquebuse, doit être appuyée au moment du tir sur un pied (fourquine) ; le mousquetaire à pied ne porte pas de casque, mais un chapeau (R.B.).

 



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