Naissances incestueuses à Grosmagny ?
Par LISA
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Le 11 décembre 1886, vers les 2 heures après midi, devant Georges PETITJEAN, maire et officier de l’état civil de la commune de Grosmagny se présente Joseph S… . Il est journalier, âgé de 64 ans et demeure dans ladite commune.

Le matin même, à sept heures, sa fille Julie, ouvrière de fabrique, a accouché d’un garçon et il vient en déclarer la naissance. Même si Julie a 34 ans, elle est célibataire et … que se passe-t-il lorsque l’officier de l’état civil demande à Joseph qui est le père de l’enfant qu’il vient d’enregistrer sous le prénom d’Émile ? Joseph déclare-t-il spontanément : « c’est moi » ? Fait-il cette déclaration, après mûre réflexion, plutôt que de reconnaître la « faute » de sa fille, sans réaliser les implications d’une telle déclaration ? Est-ce le secrétaire qui de son propre chef écrit la formule fatidique plutôt que de ne savoir à qui attribuer la paternité ? Toujours est-il que sur l’acte de naissance est portée, ainsi qu’on peut le lire, la phrase : « Joseph S…. nous a présenté un enfant de sexe masculin né …de lui déclarant et de sa fille S…Julie… »

Voici donc une naissance incestueuse officiellement enregistrée dans un registre d’état civil !

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Le Procureur de la République de Belfort, tenu de par l’article 59 du Code civil de procéder annuellement à la vérification des registres de l’État civil, a constaté que le maire de la commune de Grosmagny a inscrit le nommé S… Émile comme fils du déclarant S… Joseph, qui est le père de l’accouchée, et de sa fille S… Julie.

En droit, la reconnaissance des enfants incestueux n’est pas autorisée (article 335 du code civil, dont on peut lire une analyse en suivant ce lien : naissances incestueuses

Une enquête de gendarmerie a alors établi que l’enfant n’est pas né des œuvres de S…. Joseph et il est reconnu que c’est par erreur que dans l’acte de naissance dressé le 11 décembre 1886 ... par l’officier de l’état civil de la commune … il est dit que S… Émile est né du déclarant S…Joseph et de sa fille S… Julie. Le procureur demande donc, le 25 mars 1887, au Tribunal de Belfort de faire procéder à la rectification de l’acte de naissance en question, de prescrire la suppression des mots « de lui déclarant », de faire transcrire le jugement sur les registres de l’année courante de la commune de Grosmagny et de faire mentionner la rectification en marge de l’acte.

Le jugement est prononcé le 30 mars 1887 et le maire de la commune, reconnu civilement responsable, est condamné aux frais du jugement.



Parfait. Voilà donc une lamentable erreur réparée et un innocent enfant lavé d’une lourde infamie !

Oui, mais pourquoi n’en fut-il pas de même pour Georges Joseph L…, né quelques mois auparavant, le 29 septembre 1886 ?

Dans son acte de naissance, on peut lire également qu’il est né du déclarant et de sa fille, célibataire elle aussi. Mais pour lui, point d’enquête de gendarmerie ni de jugement ni, bien sûr, de rectification de son acte de naissance !

Alors, que peut-on penser de la présence et de la  répétition  au cours de cette même année 1886 d’une aussi lourde erreur ? Et du sérieux de la vérification des registres par les services du Procureur de la République ?

C’est en tout cas un fait unique relevé dans tout le dépouillement de l’État civil moderne de la commune de Grosmagny.

En conclusion, et pour alléger un peu cette triste histoire, il convient de dire que chacun des nouveaux-nés, enfant naturel au départ, sera reconnu et légitimé lors du mariage de sa mère.

Pour Émile, ce sera le 28 avril 1888 et pour Georges Joseph, le 19 janvier 1887.

Cet article est publié par LISA sous la seule responsabilité de son auteur.  
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