La vie d'une émigrante alsacienne en Louisiane
Le port de la Nouvelle-Orléans, vers 1842, sur the Library of Congress
Par M. François NIEF
Nota : Le texte ci-dessous est le fruit de longues et patientes recherches de son auteur, que LISA a marginalement complétées.
L’auteur a par ailleurs romancé certains épisodes, vis-à-vis desquels LISA dégage toute responsabilité.



19 octobre 1813 La bataille de Leipzig scelle le sort de Napoléon et de son Empire. Ses troupes se replient, repassent la frontière de l'Est de la France. L'hiver 1813 est rude, le vin gèle dans les caves, les habitants du village de Faverois se terrent chez eux. Le 23 décembre, les troupes Autrichiennes et Prussiennes franchissent le Rhin à Bâle.

Marguerite voit le jour le 20 décembre 1813 à Faverois dans le Haut-Rhin (Sundgau).

naissance Marguerite
AD 90 1 E 43, N.D.M. 1

Sa mère Marie Quain, 31 ans, a accouché chez elle ; la sage-femme Suzanne Serin l'a assistée. Son père, Henry Richard, est tourneur de hauts fourneaux. Il présente l'enfant le lendemain au maire Monsieur H. Courvoisier, accompagné de deux témoins, Jean et Henry Courvoisier, puis il retourne à la maison. Autour du berceau se pressent ses frères et sœurs, François, Henry, Anne-Marie, Marie, mais aussi la famille "Quain" venue de Suisse, l'oncle Joseph et Georges.

Elle est baptisée à l'église du village un dimanche et après la messe, les villageois se retrouvent au café de Joseph Richard l'oncle, pour "lever le coude" et discuter. Ce sont : J.P. Charpiat (le garde-forestier), Nicolas Duloup (le maréchal ferrant), Georges Cerf (le cloutier), Simon Laibe (le tonnelier), J.P. Marie (le menuisier) et, un peu en retrait, J.P. Mourou (le pâtre) accompagné de son chien ; il discute avec J.B. Boucher (le charbonnier), ils se croisent souvent dans la forêt et n'aiment guère les gardes-forestiers.

L'instituteur J.P. Maitre est encore à la Mairie, il contrôle les comptes rendus afin que la transcription des actes soit précise. Ainsi, dans la commune, il y a deux Henry Richard, l'un tourneur de hauts fourneaux, père de Marguerite, et l'autre c'est le charron du village. Le curé, quant à lui, est resté au presbytère et garde les secrets du confessionnal.

Les gens ici sont en majorité catholiques avec quelques protestants venus de Suisse. Ils parlent le Français avec l'accent traînant de l'est. La discussion entre eux porte sur la guerre et sur les réquisitions que va leur imposer l'ennemi. En attendant, ils boivent un verre d'alcool de prune et forment un cercle autour du fourneau en grès des Vosges. En décembre, il fait froid ; la patronne, elle, demande à ce que la porte d'entrée soit bien fermée.

Le village de Faverois1 (480 habitants) est situé au sud de l'Alsace à côté de la frontière Suisse, proche de la ville de Bâle (latitude 47, longitude 30 Est). Le bourg est proche de Delle, Belfort et Montbéliard. Le climat est semi continental (70 gelées par an), les hivers sont froids, les étés sont chauds et secs à l'abri des vents humides grâce aux massifs des Vosges (Guebwiller 1424 et le ballon d'Alsace 1247m d'altitude).

Le village est situé à 406 m d'altitude. La forêt est étendue avec de nombreux étangs. Il n'y a pas de vignoble mais beaucoup d'élevage. A cela s'ajoutent la culture des céréales, de la pomme de terre, du chou et l'entretien des arbres fruitiers (pommes, prunes etc).

Faverois - vue générale
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De nombreux hauts fourneaux produisent du fer et chaque village vit en auto-suffisance. Les artisans sont renommés et produisent d'excellents outils.

Les maisons des villages sont plutôt en pierre de taille d'un seul bloc avec l'habitat, avec l'écurie, la grange au-dessus, le four à pain, la remise. Le toit est couvert de tuile. Le jardin et le verger sont attenants. Les bâtiments de style alsacien, à pans de bois, sont fréquents. Le chauffage se fait à l'âtre ou avec un poêle en fonte ou en terre cuite.

La frontière linguistique2 entre le Français (patois Lorrain, Franc-comtois) et l'Allemand est toute proche.

La religion dominante est le Catholicisme, héritage de la Maison d'Autriche, "les Habsbourg" qui ont dominé la région. En Alsace, les deux tiers des habitants sont protestants (Calvinistes ou Luthériens). Des Germains, ils ont  hérité du droit coutumier, la "Gundoba", loi Gombette, que l'on retrouve en Bourgogne3.

La cellule familiale est patriarcale4, et communautaire. L'ainé hérite des terres pour éviter le morcellement, les cadets ou cadettes partent comme soldats ou servantes. La tradition en Lorraine Franche-comté, est aussi patriarcale mais plus égalitaire. Dans tous les cas, les liens familiaux sont forts. La cohabitation enfants-parents est courante. Ainsi, Anne-Marie Richard qui logeait chez son père, ne partira en Amérique qu'après sa mort en 1857.

Le village de Faverois est mentionné dès 1314, on le trouve sur les cartes anciennes de J.B. Delisle en 1704 ou de N. Sanson en 1660, les noms varient de "Faueroy à Febere". La ville de Delle toute proche se germanise en Dattenreit. En remontant dans le temps, les Romains ont occupé la région et fortifié leur frontière le long du Rhin. A la chute de leur empire, les Germains, Burgondes, Francs, Allemand s'installent en Gaule.

Extrait carte de Mercator, vers 1600

La peste frappe Faverois en 1349 et fait de nombreux morts. En 1525, les paysans se révoltent. Les propriétaires terriens ne respectent pas leurs droits et usages. C'est la révolte des "Bundschuhe". En 1529, la réforme protestante se propage en Alsace5 sauf dans le sud, bastion des "Habsbourg" pro catholiques. Charles Quint fait ainsi brûler les Calvinistes de Genève. En 1618, la guerre de 30 ans ravage l'Alsace et la Franche Comté. Les Suédois pillent Faverois en 1632 ; Il ne reste que 22 feux ou familles. En 1648, l'Alsace passe au royaume de France. 90% de la population est de langue allemande, elle s'accommode de la situation mais au Traité de Munster, elle demande et obtient le " Allemanratt" (respect des droits et coutumes) ainsi que la liberté de culte des trois religions : Catholique, Calviniste et Luthérienne.

Marguerite a 1 an, son père et sa mère travaillent dur, l'un travaille le fer, l'autre doit élever les enfants, cultiver le jardin et s'occuper des bêtes…quelques vaches de race Montbéliarde qui donnent un lait de qualité et des cochons. Une fois par un, Henry tue le plus gras, puis toute la famille prépare la charcuterie.

Après la défaite de Waterloo, la population de Faverois voit à nouveau passer les troupes autrichiennes et prussiennes. L'Alsace doit entretenir une troupe d'occupation de 30 000 hommes. Des épidémies se déclarent, le village perd plus de 100 habitants en un an. Les années qui suivent sont terribles, mauvaises récoltes, famines, prix des denrées en hausse. Le roi Louis XVIII dirige la France, il restaure la Royauté. Le pays retrouve ses frontières, L'Alsace a cependant failli passer à la Prusse. Au traité de Vienne, celle-ci a demandé son annexion. Anglais et Russes s'y opposèrent.

1816 Les idéaux républicains sont bien ancrés au pays. Ainsi à Colmar, une émeute éclate lorsque le colonel Caron est fusillé. Beaucoup d'anciens soldats - les demi-soldes des demi-armées de l'empire - quittent la France ou ils sont proscrits6. Ils partent en Amérique comme les Généraux Lallemand, Grouchy et leur vieille garde. Ils rêvent de s'installer au Texas sous domination Mexicaine. Ils achètent des terres pour 2 dollars l'acre et fondent Marengo en Alabama.

En Alsace, le Rhin est aménagé : des canaux sont creusés, les entreprises se développent à l'image de Peugeot et Koechlin. Les anciennes filatures se transforment mais provoquent du chômage.

1825 Marguerite fait sa première communion, elle a 12 ans. Devant l'église, en file, les garçons bien costumés d'un côté, et les filles en robe blanche de l'autre, elle se dirige vers l'autel pour sa profession de foi. Les familles observent en silence puis se lèvent et chantent en latin. Le curé, du haut de sa chaire, commente un passage de la bible. Après la cérémonie, toute la famille se retrouve autour d'un bon repas préparé par les femmes :
    
Entrée avec vin d'Alsace doux
Potée de légumes avec choux, pommes de terre, navets - accompagnée comme en Lorraine de charcuteries (saucisses de Montbéliard)
Salades, fromage (munster)
Gâteau aux pommes (le toutché), et pièce montée : un énorme gâteau comme une tour de Babylone surmontée de deux communiants

1828 Adolescente, Marguerite perd un frère âgé de 15 ans, puis le 3 septembre 1828, sa mère. C'est à une heure du matin que Marie Quain, âgée de 46 ans, meurt chez elle, affaiblie, probablement de maladie, elle laisse derrière elle ses enfants : Henry, François, Marie-Anne Marie et Marguerite. Son mari Henry est âgé de 58 ans. Elle est enterrée peu de temps après en présence de son frère Jean Quain venu de Suisse, de Pierre Maitre leur voisin (cultivateur) et de Mr Marion, un proche.

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La population passe, au village de Faverois, de 480 en 1806 à 611 habitants en 1821. La Haute Saône voisine, double sa population en 50 ans. À Belfort ou en Suisse toute proche, des agences d'immigration recrutent. Déjà avant la Révolution Française, la fameuse compagnie des Indes Occidentales de J. Law avait envoyé des émigrants alsaciens en Louisiane. Ils se sont installés sur la côte des Allemands, le long au Mississippi. Des investisseurs hollandais ou Anglais recrutent dans la région pour peupler la nouvelle Amsterdam ou la nouvelle Écosse avec de préférence des émigrants protestants comme les Huguenots.

C'est ainsi par exemple que partit (pour l'Amérique) du village de Blamont dans le Doubs en 1828, la famille P  Biguenet. Les Francs Comtois7 émigrent vers l'Ohio à Jefferson, Allen, Wayne Shelby ou Darke county. L'acre vaut entre 2 et 4 dollars. Ils fondent Frenchtown, dans l'Indiana (Harrison County) et sont soutenus par le diocèse de St Louis.

Courtesy, Wells Library Map Collections, Indiana University, Bloomington, Indiana

1830 Une révolution éclate à Paris. Charles X perd le pouvoir. Quelques progrès adviennent ainsi : au niveau départemental, des écoles normales d'instituteurs sont créés. Le maître doit être titulaire du brevet de capacité, les écoles communales sont gratuites. Marguerite en a bénéficié, son écriture est belle et on peut penser qu'en Louisiane elle a défendu sa langue et écrit pour l'association "la Société du Sud".

signature Marguerite

1834 Le 9 mai, Anne-Marie sa sœur, accouche à la maison. La sage-femme Catherine Leubant, 69 ans, l'assiste et déclare l'enfant "naturel" en mairie. Les témoins sont G. Laibe, 57 ans, chiffonnier et T. Flotat, cultivateur, 37 ans.
François partira en Louisiane en août 1855 et se mariera à H. Belanger. Anne-Marie, c'est la maitresse de maison, elle remplace la mère morte voilà 10ans et elle aide son père âgé de 62 ans.

1835 Marguerite à 21 ans, elle rencontre François Girardat 34 ans un gars du pays. Il vient de perdre ses parents et n'a plus qu'une sœur à Faverois. Leurs parents étaient Joseph Girardat et Catherine Laibe.

François et Marguerite vont se marier le dimanche 20 janvier, en plein hiver. Ils ont dû marcher dans la neige depuis leur domicile jusqu'à l'église et la mairie. Une longue colonne de paysans et de paysannes endimanchés Henry le père en tète tenant le bras de Marguerite, et puis viennent les familles Richard et Girardat. Les témoins suivent : G. Richard l'oncle, 56 ans, J.P Charpiat et Jean Quain, 50 ans, le grand oncle venu de Suisse. Tout ce beau monde se retrouve chez Henry, le père, pour le repas de noces préparé par les femmes. La belle vaisselle est disposée sur la table. Poissons, viandes, potée de légumes, charcuteries, fromage, munster, gâteaux, "kugelhof" et vins d'Alsace attendent les invités. C'est un moment de bonheur.

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La fête terminée, tout le monde rentre chez soi, à pied ou en charrette tirée par un solide cheval de race comtoise.

(LISA) Dans l'état-civil de la commune d'Eglingen (Haut-Rhin), où le père est douanier, on découvre la naissance d'un garçon du couple Girardat-Richard, né le 6-11-1836, prénommé Léonard


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Le 28 novembre à 11 heures du soir, sa sœur Marie meurt à 30 ans chez son père.

1836 Le recensement de la commune de Faverois est intéressant. On trouve : Henry Richard, 66 ans, propriétaire, Henry Richard, 26 ans militaire au 12ème Dragon, Marie-Anne, 29 ans, Simon, 20ans, François, 16 ans et enfin François, 2ans.

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1839 Marguerite donne naissance à Honorine. Elle émigrera deux fois, d'abord avec sa mère en Louisiane en 1847 puis en 1883-1884 ? en Algérie avec son mari Alexandre Leroux.

(LISA) On trouve la naissance de Marie Honorine dans l'état-civil de la commune de Croix (TdeB), 20-03-1839.


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1840 Le 23 mai, tout le monde au village a suivi le départ de Nicolas Cattey, 19ans (cultivateur) et de Mathias Charpiat, 21 ans pour New-York. Ils sont de plus en plus nombreux à émigrer.

1842 Son père Henry meurt à 72 ans chez lui, à 10h00. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre, la famille Richard à Faverois c'est une institution ! Ouvrier, il est devenu propriétaire de sa maison et il a de nombreux enfants. Il est enterré au village. Les témoins
sont Georges Richard son frère, 62 ans, journalier, et J. Bocat, 47 ans, aubergiste et c'est chez celui-ci, qu'au retour du cimetière tout le monde se retrouve pour boire un verre de schnaps.

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1844 Anne-Marie Richard accouche de Joseph. La sage-femme G. Trémot déclare Joseph Richard, enfant naturel. Les témoins sont J. Bocat, cabaretier, et Me Trémot. Ce Joseph partira avec sa mère et sa sœur en Louisiane à l'âge de 12 ans.

1845 Le 10 mai, François Girardat fait une demande de passeport à la préfecture du département Haut Rhin. Des formalités l'attendent. Le délai est de 9 jours, le prix est de 10 francs soit un à deux jours de salaire. À cela s'ajoutent un certificat de moralité du maire, l'assentiment des autorités militaires et le visa d'embarquement. Plus tard, il sera même demandé aux émigrants un moyen de subsistance (une somme argent) afin d'éviter qu'ils ne restent à quai, comme ce fut le cas pour de nombreux émigrants.

immigrant Girardat
Archives Départementales Haut Rhin "Les émigrants Haut Rhinois en Amérique de A à Z" – 1800 – 1890

1846 Son oncle Georges Richard, journalier, meurt. Puis c'est au tour de Marie Girardat, la sœur de François, mariée à H. Grime. François Girardat son mari, une fois ses papiers obtenus, est parti en éclaireur en Louisiane, ainsi que F. Charpiat, 20 ans, tailleur d'habits, F. Maitre, 19ans, tisserand, J. Ratzeleur, 20ans, F .Diétry et ses parents (Simon et Ursule). Marguerite le rejoindra plus tard avec son frère François. L'Europe va mal. En Suisse, de l'autre côté de la frontière, éclate la guerre du "Sonderbund". Les différents comtés, de langues et de religions différentes, ont du mal à s'unir. Un état fédéral verra le jour en 1848. Des émeutes éclatent en Europe : Au pays de Bade, de l'autre côté du Rhin, c'est la "Marzrevolution", à Berlin "la journée des barricades" et à Vienne face aux insurgés l'armée doit intervenir.



1847 En avril, l'hiver est passé, la nature reverdit et les dernières neiges ont fondu. Marguerite, aidée de sa sœur Anne-Marie, charge le chariot de bagages. Elle part à 34 ans avec ses enfants. Son frère François Richard, 29ans, tourneur sur bois, l'accompagne. Restent à la maison : Anne-Marie et ses deux enfants, ils la rejoindront en 1857.

immigrant Richard
Archives Départementales Haut Rhin "Les émigrants Haut Rhinois en Amérique de A à Z" – 1800 – 1890

(LISA) Qui sont les enfants de Marguerite ?
Nous avons découvert la naissance de deux d'entre eux : Léonard et Honorine.
Mais le recensement de 1850 à la Nouvelle Orléans nous indique 4 enfants nés en France, dont 3 sont désignés par une simple initiale (plus un cinquième, Jules, né à La Nouvelle Orléans) :
L., né vers 1836, P., née vers 1839, Julie, née vers 1841, et F., né vers 1843. Ce recensement présente des inexactitudes évidentes : Honorine n'est pas mentionnée.
A son décès, 4 enfants du couple Girardat-Richard sont cette fois clairement nommés : Jules, Léger, Julie et Honorine.
Jules et Julie ne posent pas de problème. Vu l'âge mentionné, on est tenté d'identifier Honorine à l'improbable initiale "P.".
Quant au L. du recensement, il correspond évidemment à Léger. Mais Léger est-il Léonard ? Quant, soit il s'agit d'un enfant décédé après 1850, soit ce n'est pas un enfant du couple.
Il reste à découvrir donc 2 (Julie, F.) ou 3 (Léger, Julie, F.) naissances, probablement dans des communes proches des frontières allemandes ou suisses, au hasard des postes de douanier occupés par leur père.


Le maire du village est perplexe, beaucoup de familles quittent le village, la vie y est dure, des émeutes de la faim ont éclaté à Mulhouse. Les pouvoirs monarchiques sont incapables d'évoluer, d'entrer dans l'ère industrielle. La transition est dure, les petits artisans perdent leur emploi, les paysans trop nombreux quittent leurs terres pour la ville où ils ne trouvent souvent pas de travail. Ils choisissent alors d'émigrer. Après les derniers adieux, le convoi démarre, ils suivent la route n°19 qui mène à Paris. C'est le début de la petite aventure.

La petite aventure La route royale Bâle-Paris, longue de 500 kms, voit passer beaucoup de monde : des voyageurs, des émigrants, des militaires, la malle poste, des transporteurs de marchandises et leurs longs convois de chariots chargés de coton ou de victuailles, de lourdes diligences, des berlines à 4 roues tirées par 8 chevaux. Les relais sont disposés tous les 20 kms, les chevaux sont alors remplacés. Le cocher souffle dans le cor pour annoncer son arrivée à l'auberge relais. Le maitre de poste contrôle le passeport intérieur des passagers et encaisse l'argent. Ceux-ci voyagent en 1ère ou 2nde classe, voire à côté du cocher, en plein air.

La durée du voyage est d'un mois, le prix est l'équivalent d'un salaire ouvrier d'une semaine. La majorité des pauvres émigrants utilisent leur chariot avec l'attelage et partent ainsi en convoi jusqu'au Havre. Les Alsaciens et Francs-Comtois utilisaient à leur retour à vide, les lourds chariots qui transportaient les balles de coton débarquées du Havre pour les filatures des Vosges.

Faverois est loin, Marguerite ne distingue plus les sommets enneigés des montagnes. Ils abordent Vesoul, font quelques provisions, laissent les attelages se reposer puis repartent vers Langres - la ville citadelle avec ses murailles impressionnantes -. Ils ne sont guère dépaysés. La descente du plateau de Langres est par contre plus dangereuse, les freins…..., des sabots de bois crissent sur les roues, les chevaux sont tenus à la bride, ainsi confiants, ils repartent.

Le convoi aborde Chaumont en Haute Marne entre Lorraine et Champagne ; insensiblement le paysage change, maintenant les fermes sont serrées les unes contre les autres, leurs toits sont en tuile et les charpentes sont constituées de troncs de chêne posés sur des murs de pierres. À l'approche de Paris, apparaissent de grosses fermes céréalières. Maintenant, ils longent la Marne, pénètrent en Champagne, là des parcelles de terrain sont couvertes de vignobles. Les propriétaires exportent le "champagne" jusqu'à la cour de Russie. Défilent ensuite des cités belles et riches comme Troyes, Nogent sur Seine et Provins. Ces villes sont florissantes, loin de la pauvreté de l'Aveyron, de la Bretagne ou des pays de montagnes.

Le convoi de Marguerite arrive à Paris, il n'y restera pas longtemps, la capitale est chère avec ses péages. Les rues sont étroites et dangereuses, certains contournent la capitale ou prennent la bateau ou encore le train jusqu'au Havre8. La ligne de chemin de fer "Paris–Rouen-Le Havre" fonctionne en effet depuis 1841. Passée la capitale, ils arrivent Porte de Maillot, poursuivent sur Nanterre, s'arrêtent au relais de poste et font le point. Pour se rendre au Havre, distant de 200 kms, ils peuvent emprunter la route D'Ecouis au nord ou celle de Vernon longeant la Seine, les 2 routes aboutissent à Rouen.

chemin de fer à la mer
Notions industrielles contenant l'explication des images représentant les sujets suivants :
forges, verreries, mines, machine à vapeur, chemins de fer, fabrique de papier, fabrique d'épingles,
filature mécanique, atelier de monnayage, fabrique de savon, à l'usage des salles d'asile,
par M. Boucard - Chemin de fer, planche n° 5 ; 1848
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, V-32772
Identifiant : ark:/12148/bpt6k889475k


Ils abordent enfin la Normandie, région riche et stratégique, disputée autrefois par les rois de France et d'Angleterre. Sur la route, ils croisent à la tombée de la nuit de lourds chariots chargés de victuailles qui remontent vers les halles de Paris. Ils traversent la Seine à Pont de l'Arche et abordent Rouen par Bonsecours. La flèche de la cathédrale, haute de 151 m, leur sert de repère et ils passent Barentin pour rejoindre Yvetot et Bolbec. De plus en plus de rabatteurs proposent gites et couverts mais aussi des billets de traversée, ils les écartent.

Le Havre est en vue, on l'aborde par les falaises qui surplombent la mer. C'est la première fois que Marguerite, comme beaucoup d'émigrants venus de l'intérieur de l'Europe, la découvre. Elle est immense, bleue, parsemée de taches blanches, le vent est fort. Après ce moment d'émotion, ils descendent vers la ville. Elle est fortifiée avec des maisons à pans de bois sur plusieurs étages, les toits sont d'ardoise, les rues sont étroites mais bien pavées, de nombreux cafés et hôtels accueillent les passants. Fondée en 1517 par François. Elle concurrence Anvers, Breme et Amsterdam avec ses 3 bassins "Floride, Labarre, commerce". Le nouveau chemin de fer reliant Paris au Havre permet aux voyageurs d'accéder directement aux quais. L'estuaire de la Seine est régulièrement dragué. C 'est un port grouillant de monde, de normands reconnaissables à leur tenue, des Bretons, des travailleurs locaux, des baleiniers américains, des pécheurs d'Islande et naturellement beaucoup d'émigrants français, suisses et allemands.

Navire quittant le port du Havre 1851
[Navire quittant le port du Havre] : [photographie] / Louis-Cyrus Macaire 1851
Bibliothèque nationale de France, Rés. Eg6-170


La grande aventure Ils sont à quai, par nationalité, par village, certains vendent leur chariot, d'autres achètent des billets de traversée aux bureaux de compagnies maritimes ou directement au capitaine du navire. Tous les émigrants se pressent et veulent embarquer au plus vite. Rester à quai est impensable, les auberges sont bondées. Beaucoup d'émigrants ont dépensé le peu d'argent qu'ils avaient, ils cherchent en vain du travail au port ou dans le terrassement. Des familles entières campent çà et là.

La situation préoccupe les autorités locales, ainsi à Graville, dans un village proche du Havre, 1 500 émigrants allemands survivent9. Le 7 mars 1848, un pasteur, Mr Muntz viendra plaider leur cause. La ville du Havre apporte son aide mais elle est vite débordée. Le préfet fait remonter l'information à Paris pour exiger des émigrants, lors du passage à la frontière une somme d'argent minimale pour survivre avant l'embarquement. Certains émigrants bloqués, resteront en France et feront souche, leur voyage s'arrête ici.

Sur le quai du bassin de Floride, ils sont nombreux à se presser devant le fonctionnaire des douanes, ils montrent leur passeport et abordent la rampe d'accès au bateau. Un voilier, c'est encore le moyen le moins cher  mais il faut tenir compte du vent et des marées. Les départs ne sont pas à heure fixe comme sur les nouveaux "packet boats" de la Red Star. Un officier contrôle les billets car leur validité est souvent mise en cause, les escroqueries sont courantes.

Mieux vaut être en bonne santé pour le départ, l'épreuve dure 2 mois. Les contrôles sanitaires et d'hygiène se font au coup d'œil. La présence de médecin n'est pas encore obligatoire à bord. Les "passagers cabine" sont accueillis par le capitaine, Ils ne sont pas nombreux, 10 ou 20. Les plus nombreux sont ceux de l'entrepont (200 au plus). Ils descendent du pont les 9 marches qui les conduisent dans le ventre du bateau. Les plus grands se cognent la tête contre la charpente à 1,50 m du sol enfin, chacun se dirige vers son numéro de couchette. Les femmes seules sont à l'arrière du bateau, les familles au milieu et les célibataires à l'arrière. Une table centrale sépare les rangées de couchettes sur tribord et bâbord, des rideaux préservent l'intimité de chacun. Les draps ne sont pas fournis, chacun doit s'en munir. Des provisions sont distribuées (molasse, biscuits, viandes salées, farine, pommes de terre, pruneaux thé, vin). L'eau est rationnée à 1,5 litre par jour.

Le départ
Le départ ; illustration dans Frank Leslie's illustrated newspaper, v. 1, no. 5 (1856 Jan. 12), p. 77
(1856) The Departure. [Image] Retrieved from the Library of Congress
https://www.loc.gov/item/2002735883/


Il n'y a pas de hublot. La seule ouverture consiste en la trappe d'accès. Lors des tempêtes, elle est fermée mais souvent l'eau s'engouffre dans le dortoir. Les parasites du coton sont souvent les compagnons des passagers10. Les cuisines sont à l'extérieur, chacun travaille selon un ordre précis. Les risques d'incendie sont la hantise du capitaine ainsi des braises qui tombent au sol, un chaudron qui se renverse provoquent des incendies aux passages des tropiques. La nourriture souvent trop salée provoque une soif intense. Les toilettes se résument en un siège à la turque en plein air, avec bain de mer garanti pour vos "quartiers de noblesse" !

Marguerite s'est installée avec ses 3 enfants et François. Du pont, ils jettent un dernier coup d'œil sur le port grouillant de monde, sur les falaises du pays de Caux, sur le ciel de France. Le capitaine a fait le plein de passagers, la marée est haute et surtout le vent souffle, Il décide de partir, le voilier est halé à l'extérieur du port. Le capitaine fait hisser les voiles, elles se gonflent brusquement. Le bateau bascule sur le coté, il prend de la gîte. Les passagers sont paniqués, ils ne veulent pas tomber à l'eau et s'accrochent à tout ce qu'ils peuvent. Cela provoque l'hilarité chez les marins.

Entrepont
Voyage dans l'entrepont ; date inconnue (19ème) Deutsche Fotothek


La côte normande disparaît, le voilier glisse sur l'eau, croise d'autres bateaux puis ils sont seuls. Pour la majorité des émigrants, les voiliers et les "commun- trailers" de retour à vide, restent le moyen de transport le moins cher11 : 160 francs (traversée et nourriture). Cela correspond à six mois de salaire d'un ouvrier, les enfants paient la moitié. La durée du voyage varie entre 50 et 60 jours. Le taux de mortalité était de 16% en 1830, il passe à 6% en 1848. C'est grâce à C. Dickens en 1842 puis à H. Melville en 1851 que les conditions de transport se sont améliorées. Depuis 1842 le système "indentured servant"12 a été aboli en Angleterre, en Hollande et aux USA. C'était un système de voyage pré payé et le capitaine seul maitre à bord s'en chargeait. Arrivé à destination, il revendait le jeune passager à un fermier pour un apprentissage de 3 ou 5 ans. Comme il y eut beaucoup d'abus, les gouvernements démocrates ont mis fin à cela. Il a cependant perduré en Amérique latine comme au Texas sous la forme de colonisation par « Imprésarios » comme le relatent les familles alsaciennes Gross et Vonfie, Heller13 installées avant 1845 au Texas. Des entrepreneurs, hommes d'affaires obtiennent des états Sud-Américains des terres vierges et gratuites mais ils doivent y installer des colons qui les mettront en valeur dans un délai précis. En fin de contrat, les deux parties restent propriétaires de moitié des terres. En cas d'échec, l'état récupère ses biens (pris aux Indiens), c'est ce que vécurent des émigrants italiens débarqués en pleine brousse brésilienne jusqu'au début des années 1900.

En 1840, des émigrants de Faverois comme Nicolas Cattey, Mathias Charpiat etc ont opté pour la destination de New York (43° parallèle N). Le voyage est plus court (30 jours) et moins pénible. Le capitaine doit éviter les tempêtes d'Irlande, les icebergs dérivants au large du labrador et une fois cela franchi, New York est proche. L'accès au port en eaux profondes est facile. Les émigrants débarquent à Castelgarden où ils sont enregistrés. L'option « la Nouvelle Orléans » est plus longue (2 mois) et plus pénible. Le voilier descend plein sud, direction les iles Açores, traverse l'océan Atlantique au niveau des tropiques pour déboucher sur les Caraïbes. Avec un passage entre Haïti et Cuba pour remonter vers la Louisiane. Il faut choisir les dates d'arrivée, les chaleurs sont élevées l'été. Les européens surtout les continentaux habitués à l'air vif des Vosges ne le supportent pas. Ainsi J. Lolos meurt le 13 septembre 1841 à son arrivée à la Nouvelle Orléans.

Le bateau est seul en pleine mer, le temps est agréable mais avec le roulis du voilier, beaucoup de passagers ont le mal de mer, ils sont malades. Passés quelques jours, ils s'adaptent, ont le pied marin et surmontent les dures conditions du vivre ensemble et des intempéries. Par beau temps, ils se promènent sur le pont, observent les marins qui au son de la cloche prennent leur quart, ceux de bâbord vont se reposer, ceux de tribord font tourner le cabestan, ils hissent de nouvelles voiles souvent en chantant. Le rythme des paroles et du mouvement séduisent les passagers. Le capitaine donne des ordres à travers son porte-voix, tout le monde reconnaît sa voix d'opéra. Par mauvais temps14, les écoutilles sont fermées et les passagers restent bloqués dans l'entrepont. Ils résistent au choc des vagues et au roulis, souvent la vaisselle ou les bagages mal attachés s'entrechoquent. Marguerite veille à ce que ses petits ne soient pas blessés. La température s'élève aux Açores. Cette traversée est longue, voilà un mois de passé, l'eau et les cuissons sont rationnés14 ; on s'occupe comme on peut : jeux de cartes, lecture mais le plus passionnant c'est d'observer les énormes dauphins qui accompagnent le bateau. Ils se jouent des éléments, glissent, survolent, plongent sans cesse. L'attraction vedette cependant ce sont les poissons volants poursuivis sous l'eau par des prédateurs, ils s'envolent par magie et parfois retombent sur le pont du bateau. Les enfants émerveillés les ramassent.

Sous les tropiques, la température monte à 40°C ; chacun s'abrite à l'ombre, les nuits sont tellement chaudes que certains dorment sur le pont à l'air libre. A l'approche des Caraïbes, de nouveaux oiseaux survolent le bateau, les marins disent que la terre est proche. Le voilier s'engouffre au passage du vent entre St Domingue et Haïti et remonte au nord vers la Louisiane.

Le 21 octobre 1847, arrivent par ex. à la Nouvelle Orléans 2 navires en provenance du Havre :
le John Cadmus, Capt. Cannwett, 51 jours de mer, 166 passagers
l'Ancona, Capt. Noah Nason, 169 passagers
ref : theshiplist


Marguerite comme tous les passagers a hâte d'arriver. La chaleur en juin est terrible ; se rafraîchir et se doucher à l'eau douce est un luxe. La privation de légumes et de fruits commence à faire des ravages, les dents de la famille Richard tiennent encore bon.

A l'approche de la Louisiane, la couleur de l'eau verte et limpide14 passe au jaune, le Mississippi déverse ses alluvions et son eau douce loin au large. Certains passagers écopent l'eau pour se doucher. Le capitaine lui, a ralenti l'allure, il fait sonder les fonds de mer : ça et là des carcasses de bateaux jonchent la mer. De plus en plus de voiliers, barques, packet boats convergent vers l'estuaire du grand fleuve. La limite entre terre et mer devient floue… de hautes herbes… quelques arbres avec de la dentelle… quelques cabanes de pêcheurs avec des bateaux munis de grandes ailes latérales. D'énormes oiseaux à la gorge boursouflée s'élancent des arbres, ce sont des pélicans imperturbables et majestueux, le symbole de leur nouvelle patrie.

Le capitaine donne l'ordre d'arrêter le navire, tout le monde est surpris, on aperçoit les trois passes et les phares de l'embouchure, le voilier est immobile. Le capitaine fume la pipe et espère que le bateau ne sera pas mis en quarantaine. A bord, il n'y a pas d'épidémie.

New Orleans
(1842) New Orleans. c. [Image] Retrieved from the Library of Congress, https://www.loc.gov/item/2003664811/


Soudain un bateau s'approche, un pilote monte à bord du voilier, salue le capitaine, discute puis très vite prend la barre pour faire naviguer le bateau à travers les bancs de sable et les énormes troncs d'arbres qui glissent à fleur d'eau. Il franchit la passe puis s'arrête à nouveau, un remorqueur accroche le voilier et va remonter à contre courant le Mississippi jusqu'à la Nouvelle Orléans. Tout le monde est sur le pont à observer les rives du grand fleuve Les cabanes de pêcheurs ont fait place à d'immenses propriétés avec jardin à l'anglaise avec sur le coté des petites maisons blanches .On les salue de loin, ils aperçoivent le drapeau américain qui flotte sur l'arsenal. Ils ont passé « pointe à la hache », Fort Jackson et Versailles .La capitainerie a été prévenue par télégraphie de leur arrivée. Ils distinguent maintenant l'église Saint Louis, le remorqueur aborde la dernière courbe, les quais apparaissent, immenses (4 kms), les bateaux par centaines sont serrés les uns contre les autres sur 4 rangées.

Finalement, on accoste. La chaleur est accablante, l'humidité élevée, ils sont attendus, la foule vient vers eux … des porteurs… de la famille… des amis. Ils doivent cependant se faire enregistrer et passer la douane. Les autorités américaines sont bienveillantes ainsi certains émigrants peuvent garder leurs chiens embarqués au Havre14. François son mari les attend, ils sont enfin heureux de se retrouver. Une nouvelle vie commence.



Sa vie en Louisiane D'une démarche chaloupée, elle remonte la ville par "Canal street", cette rue divise la cité en deux quartiers : l'un francophone, le plus ancien, et l'autre anglophone. François les conduit dans sa demeure probablement dans la vieille ville proche du lieu où il travaille. Les émigrants étonnés remarquent : « ici les gens sont élégants et bilingues », les bâtiments impressionnants comme le bureau de poste, l'opéra, le théâtre et le Cabildo. La ville est agréable, les rues sont larges mais l'écoulement des eaux sales est fétide. La majorité des maisonnettes est en briques.

Bachmann, J. (1851) [Birds' eye view of New-Orleans /
drawn from nature on stone by J. Bachman i.e., Bachmann].
[New York: Published by the agents A. Guerber & Co., c Printed by J. Bachman i.e., Bachmann] [Image]
Retrieved from the Library of Congress, https://www.loc.gov/item/93500720/


Ils ont vu sur les quais, à leur arrivée, des esclaves15, des centaines de travailleurs surveillés par un chef intraitable. Déjà en 1831, Rebecca Burlend fut frappée de stupeur à son arrivée par les mauvais traitements infligés aux esclaves "enchainés comme des bœufs". En ville, les noirs affranchis sont libres, ils dirigent de petites entreprises, ils sont maçons, cordonniers (comme le père de S. Bechet16 le célèbre joueur de clarinette). Ici, la société est dure à comprendre, un peu comme au Québec. Marguerite va donc faire l'apprentissage du pays et du peuple. Le français est encore courant en ville ce qui lui facilite les choses au début, elle s'installe et se fait des amies. Ses 3 enfants sont inscrits à l'école primaire Française du district. Le français n’est plus obligatoire en Louisiane. Le journal "l'Abeille de la Nouvelle Orléans" du 22 et 23 janvier 1845 rappelle qu'un amendement de la Chambre n'impose le Français que là où il est majoritaire. Les émigrants en grande partie choisissent l'anglais et de ce fait le 18 octobre 1865, il évincera définitivement le français17.

Très vite, Marguerite a cerné les dangers du pays comme la violence des rapports humains, les inondations répétées et les animaux peu communs comme les crocodiles ou les serpents, mais par dessus tout, ce sont les épidémies de fièvre jaune qui tuent le plus.

épidémie de fièvre jaune
Journal « Nouvelle Orléans Daily Crescent » 18 septembre 1858 p1 col 5


Cet été 1847, l'hôtel Dieu, l'hôpital de la charité accueillent de nombreux malades. Il meurt plus de 100 personnes par jour, surtout de nouveaux arrivants .On ne connait pas la cause de cette maladie, on se soucie peu des eaux stagnantes et des moustiques. Lors des épidémies, les plus riches remontent vers le nord pour se rafraichir, les autres s'enferment chez eux, brûlent de la poudre de balle humide pour chasser les maringouins et attendent des jours meilleurs. Les autorités, elles, font donner des coups de canon pour écarter les "miasmes".

Marguerite contemple le fleuve Mississippi. Quelle puissance ! Certes le Rhin à sa sortie de Suisse est impressionnant mais canalisé en Alsace, il est alors dompté. Ici, le fleuve est trop puissant, les levées (digues) cèdent et la Nouvelle Orléans construit au niveau, voire sous le niveau de la mer est souvent inondée.

Le Louisianais est rude à la tâche mais festif19 tout est prétexte à la fête : bals costumés, repas d'associations, défilés du mardi gras. Tout le monde y participe. Le samedi soir, les esclaves dansent librement sur "Congo square". Les affranchis fréquentent les bars, jouent aux cartes ou au jeu du "craps". Des fanfares militaires reviennent victorieuses de la guerre du Mexique, les noirs ont emprunté les cuivres, les « caisses claires » et jouent une nouvelle musique syncopée. La nourriture est abondante et variée ainsi les oranges si rares à Faverois et réservées comme cadeaux, sont abondantes ici. Sur les marchés locaux, la viande, les légumes, les poissons sont présents et peu chers. Marguerite paie en picaillons et en dollars (les mesures, elles se font en gallons... tonneaux... arpents). Les salaires sont bien supérieurs à ceux de la France (4 dollars contre 3 francs par journée de travail), le dollar vaut 5,5 francs. Le recours à l'emprunt est courant, le taux est à 8% sur quelques années. Les émigrants se méfient de cette procédure peu utilisée chez eux.

Les domaines agricoles sont immenses et productifs à titre d'exemple :

Paru dans le journal "l'abeille" page 2 - le 3 juin 1847
vente Philippon Successions/plantation Philippon, paroisse de St Bernard, vente judicaire, sucrerie

   12 080 arpents, 1 lac, - culture - cannes à sucre, maïs, avoine, riz.
   Personnel :
   2 chefs ingénieurs, 2 commandeurs de champs dont l'un Alexandre, 46 ans, avec une hernie, 77 esclaves,
   1 maison de maître avec deux étages, des cases en briques, 1 cuisine, 1 hôpital, 1 forge, 1 machine à vapeur à broyer les cannes à sucre - charrettes, charrues, 30 mules, 4 chevaux, 15 bœufs, 3 vaches
   Conditions : payer un tiers au comptant, le reste sur 2 ans ; le crédit est à 8%

Ce qui manque aux gens des Vosges c'est la charcuterie, le fromage à pâte molle, accompagnés d'un vin d'Alsace. Ils se les procurent chez "Lanata Frères" 9, rue Jefferson. Monsieur A. Marchal - 40 rue de Chartres – propose des chapeaux "panama" la dernière mode. Le pharmacien, lui, vante les mérites du sirop végétal indien et des sangsues en provenance de Hongrie. Les puritains du nord appellent la ville «la grande Babylone du sud» naturellement à cause de ses mœurs. James Debow20 journaliste écrit "ici la quête du plaisir et du profit surpasse tout". W. Whiteman journaliste au « Crescent "1841 -1859" est également surpris par le style de vie dans le sud. Il comprend que le plaisir, les distractions, la culture, la musique sont essentiels aux gens de la Louisiane. Ainsi en mai 1847, le théâtre de la Nouvelle Orléans joue "La favorite". Depuis 1808, il donne des spectacles de renommée mondiale comme "les huguenots", "les mousquetaires de la reine". Marguerite et ses enfants consultent les journaux en particulier "l'abeille de la Nouvelle Orléans". Le feuilleton "le soulier rouge" de l’écrivain De la Bretonne les tient en haleine. C'est le récit en 1782 d'une émigrante Alsacienne partie pour la Louisiane. Ce récit est pertinent pour tout Louisianais. E Ripley et surtout Mark Twain, le célèbre écrivain américain de langue anglaise, ont décrit la vie le long du grand fleuve. Capitaine d'un bateau sur le Mississipi, il connait autant le fleuve que ses habitants. C'est à l'époque, un endroit béni, les frères Lazar20, venus de Sarreguemine en Lorraine, en 1840, déclarent dans leurs mémoires "il y a peu d'endroit où l'homme puisse s'adonner pleinement". De colporteurs, ils finiront banquiers et "faisaient rarement affaire avec les yankees". Il n'y avait pas que des nécessiteux qui arrivaient ici, mais l'élite européenne, souvent chassée par les pouvoirs autoritaires, ou tout simplement avide d'expérience. De la Bretonne, polytechnicien, écrivain, Elisée Reclus20 de Bordeaux, Eugène Demez de Dijon, H.P. d'Artlys, Directeur de "l'abeille", C. Delery , C Fayet, docteurs en médecine, etc…

1848 Simon Nief, un ancien tisserand, originaire de Franche Comté arrivé à New York en 1833 débarque à l'âge de 39 ans à la Nouvelle Orléans. Là il retrouve une communauté francophone importante et travaille avec Laurent Cordier, un charpentier originaire de Saumur. Il va lier son destin à celui de Marguerite quelques années plus tard.

1849 Le 18 avril, Marguerite donne naissance à un garçon. Jules Girardat. François, le père, le déclare en mairie de F. Girardat et Marguerite Girardat Defavenois. L’enfant est baptisé à l'église catholique de la Nouvelle Orléans puis tout le monde se retrouve autour d'un repas festif pour fêter l'événement.

naissance Jule
http://files.usgwarchives.net


census 1850
Recensement Louisiane, paroisse d'Orleans, ward 2, 3rd municiality.
M. Guirardat 50 m sans profession France
J. 33 f France
L. 14 m France scolarisé
P. 11 f France scolarisé
Julie 9 f France scolarisé
F. 7 m France
Jules 1 an 3 m. Louisiana
Louis Compasse 32 m "labour" France

(LISA) Ce recensement est précieux, mais pose beaucoup de questions, car il présente beaucoup de divergences avec les données par ailleurs disponibles.
Il n'y a quasiment aucun doute sur le fait que la famille ci-dessus est bien celle qui nous intéresse (en particulier pour la naissance de Jules).
On note par contre beaucoup d'erreurs sur les prénoms : ceux des parents seraient permutés, une initiale (P) d'une fille serait sans correspondance ; quant aux âges, ils inexacts, voire fantaisistes pour les parents.



1850 Le bonheur est de courte durée. Entre 1849 et 1851, François son mari disparaît. Décède-il, d'un accident, ou de maladie, ou choisit-il un autre destin ... mystère ? La mort frappe souvent ici et à la fleur de l'âge. On n'en connait pas encore les causes mais la fièvre jaune fait des ravages. Ils sont des centaines chaque semaine à en mourir. L'Hôtel Dieu, et l'hôpital St Charles font régulièrement leurs tristes bilans. Marguerite va affronter l'adversité avec courage et comme dans bien des cas, sa fille ainée, Honorine va se montrer exemplaire.

L’antagonisme entre les états du nord «les New Yorkais» et les états du sud «les Virginiens» va grandissant, à cela s'ajoute l'adhésion des nouveaux territoires et de leurs représentants à Washington. La cohésion des états est fragile, beaucoup de différends les opposent. On peut ainsi lire dans "l'abeille" du 16 mai 1847 : "the nation is truly in dangers, they threaten us on all sides, we have closed the first volume of our history under the constitution, the second is now opened" (la nation est en danger, nous sommes menacés de tous cotés, nous avons fermé le premier volume de notre histoire avec la constitution, le deuxième volume est ouvert)… il se fera dans la douleur.

En attendant le 15 mai, un défilé militaire part de la place d'armes à 9h00 pour rejoindre "l'esplanade", il célèbre la victoire sur le Mexique. Défilent précédés de leur fanfare, les cadets de la Louisiane, les dragons, les soldats victorieux, suivent de nombreuses délégations de représentants de la ville, de l'état et de Washington. C'est une fête populaire, bar rooms, restaurants, bals sont pris d'assaut.

L'institut De Villers - 40 rue de Bourbon - propose à ses élèves le français, le latin, l'anglais, les mathématiques, la physique expérimentale, les études commerciales, la musique. Maitre Lalouette, le maitre d'armes, donne des cours d'escrime et de tactique militaire. L'école est cependant payante (150 dollars l'année).

Eliza Ripley21 a 15 ans, c'est une Louisianaise anglophone. Dans ses mémoires elle raconte : "les filles étaient habillées de bas en haut pour les bains de mer, « no baigneuse décolletée » ...on jouait au golf... au croquet et à la raquette ... bras nus. Certaines pratiquaient "l’athletic" une gymnastique suédoise. Au bal on dansait le quadrille, la polka, la mazurka et le galop kosack (cosaque)", elle poursuit : "Au vieil opéra français, on jouait "Robert le diable, la Dame blanche, les Huguenots" ; le prix de la loge était de 12 $, le simple siège 1 $ ; après le spectacle on dégustait des brioches, des meringues, des éclairs. Le verre de soda coutait 1 cent.

Le bâtiment des postes était impressionnant. Il n'y avait pas de facteur alors les lettres étaient distribuées par un commis qui prenait 1 cent par pli". Eliza raconta tout cela avant sa mort en 1912.

Marguerite vit en couple avec Simon22. Ils ne peuvent se marier légalement. En effet Simon l'est déjà en France, voilà déjà plus de 15 ans. Il n'aura pas de lettre de recommandation du curé de la Demie. Sa femme Elisabeth Mougin ne viendra pas le rejoindre. La législation est stricte en Louisiane, il faut l'accord du diocèse pour obtenir une licence de mariage. Le juge de paix23 et un juge paroissial donnent alors leur l'autorisation24. La cérémonie ne peut avoir lieu que si elle est donnée par un prêtre ordonné comme il y a trop de faux curés ! Sans mariage officiel, Marguerite est alors considérée comme concubine, elle est privée d'héritage.

Mariage Nief x Mougin
 
signature Simon
AD 70 ; commune de La Demie, ndm 1823-1832
Eglise de La Demie
Eglise de La Demie ; photo F. Nief

1851 L'hôtel Saint Charles brûle, un désastre. En ville, la tension est grande du fait de la guerre avec la Havane. Le consulat espagnol, des cafés, des tabacs sont saccagés en guise de rétorsion. Un pianiste créole Louis Moreau Gottschalk de la Louisiane fait parler de lui. Il est compositeur, vit en France ; à partir des mélodies chantées par Sally sa gardienne il compose "Bamboula" un chant d'esclaves : des mélodies rythmées  et simples, "quand patate est cuite nous la manger" il exprime les sentiments joyeux et tristes des noirs.

Gottschalk
l'Abeille de la Nouvelle-Orleans, 19 avril 1849

1852 Le 22 novembre, Marguerite donne naissance à Zélica Nief25. Elle est baptisée à l'église Saint Augustin26, les parrains sont P. Cerf et Honorine Girardat. Le domicile des parents est : 213, rue Bourbon à la Nouvelle Orléans. En mairie, c'est la fille de Simon Nief et de veuve F. Girardat (Zélica se mariera à C. Léonard Schneider, elle aura un garçon et elle mourra jeune en 1885).

n_zelica_1852
On notera évidemment sur cet index (State Archives Birth Indexes) les imprécisions et l'absence du prénom du père

La famille et les amis de Mr Allibert, citoyen américain d'origine Française, sont en émoi : il a été arrêté à Marseille par la gendarmerie et il risque la prison comme insoumis (refus de service militaire - conscription de 1839). Le consul américain à Marseille Mr Allibert intervient et il sera libéré peu de temps après. Cet événement fait grand bruit en Louisiane et beaucoup d'émigrants insoumis hésitent à voyager en France. Même la presse anglophone relate ce fait ainsi parait le 9 juillet 1855 en première page du "New Orleans daily rescent" une chronique à ce sujet.

1854 Simon est très proche de Laurent Cordier, charpentier âgé de 60 ans, il habite 73, old levée et il est originaire de Saumur.

d_l_cordier
Décès de Laurent Cordier, le 6 octobre 1862
l'Abeille de la Nouvelle-Orleans, 19 avril 1849

Les affaires marchent.... il croule sous les demandes. La municipalité le contacte pour la construction des maisons basses "shotgun houses" et la rénovation du marché devant supprimer le vieux marché Indien sur Bayou road.

Il conseille Simon, son ami, qui décide de travailler à son compte. Pour cela, il achète à Monsieur et Madame Fillothel, 2 terrains de 250 et 450m2 dans le faubourg de Treme, rue d'Herbigny pour la somme de 500 $. L'acte d'achat est signé chez Maitre Dorioncourt , Il27 paie sans hypothèque mais a emprunté 300 $ à 8% auprès de Monsieur Trémaille de Gondresson, payable sur 4 ans, en 2 échéances.

Le 18 mai, Marguerite donne naissance à Virginie, elle sera baptisée à l'église Saint Augustin ; les parrains sont Laurent Cordier et sa femme Virginie Seguin28. Cet enfant mourra probablement en bas âge.

1855 François Richard, 21 ans, le neveu de Marguerite débarque à la Nouvelle Orléans. Sa demande de passeport à Colmar a été acceptée. Il rejoint sa famille en Amérique et travaillera comme domestique.

1856 Le 2 mars, Marguerite donne naissance à Paul Julien, de Simon Nief et de veuve F. Girardat. Il sera baptisé à l'église St Augustin29 le 22 avril ; les parrains sont Julien Joseph Tellotte et Marie Girardat.

n_paul_1856
On notera encore sur cet index (State Archives Birth Indexes) les imprécisions et l'absence du prénom du père

Son fils sera un brillant comptable, responsable et rapporteur aux bureaux d'associations de bienfaisance. Il est connu à la Nouvelle Orléans. Sa passion pour le commerce le poussera à gérer une épicerie30 sur le marché Français - rue Philippe, au lieu-dit le "blue stand"31. Il mourra à 28 ans d'une maladie des intestins. La presse locale lui rendra hommage le 16 janvier 1885.

La société dans le sud accède grâce aux progrès techniques aux activités de loisirs en plein air. Des régates sont organisées sur le lac Pontchartrain le 13 septembre 1858. Le cricket, sport des Anglais, est remplacé par le base-ball, le jeu de raquette devient populaire, des démonstrations sont données en public. Une Française Eugénie Lafosse participe à une course de bicyclette à la Nouvelle Orléans en janvier 1858.

La télégraphie relie l'Europe au Canada et aux États-Unis. Les échanges sont plus faciles ainsi l'envoi de lettres entre les pays est réglementé, un courrier à destination de Faverois en France coutera 15 cents à Marguerite.
Le consulat de France est transféré à 2 pas de chez elle au 101, rue Bourbon.

1858 Tout le monde est sur le quai pour accueillir Anne-Marie Richard32, 52 ans, la grande sœur de Marguerite. Elle vivait à Faverois avec ses 2 enfants et elle s'est occupée de leur père jusqu'à sa mort voilà 16 ans. Puis elle a décidé de rejoindre sa famille en Louisiane. Elle débarque avec à ses cotés Joseph, 12 ans, et Julie 9 ans.

En France, Napoléon III a pris le pouvoir, beaucoup d'intellectuels sont partis comme Victor Hugo ou ont été chassés et sont partis en Amérique. C'est le cas d'Eugene Dumez, fondateur du journal le "Meschacebé" ici à la Nouvelle Orléans. Paris est en pleine transformation, l'urbaniste Haussman trace les fameux boulevards, des gares voient le jour et les émigrants peuvent relier le Havre par les chemins de fer. Petit à petit, les voiliers sont remplacés par des bateaux à vapeur, les départs se font à horaires fixes et un médecin doit être présent à bord pour soigner les malades. Les ports sont classés selon leur état sanitaire, le flux d'émigrants ne tarit pas.

La France et l'Angleterre sont en guerre contre la Russie en Crimée. Beaucoup de jeunes gens cherchent à éviter la convocation aux armées ils sont prêts à payer cher un remplaçant ou à s'expatrier.

Le 16 septembre, à 3h00 du matin, J. Brandon a sorti des eaux boueuses du Mississippi un corps sans vie. C'est celui de Simon son mari avec lequel elle a refait sa vie. L'acte de décès est établi le jour même par P. Lacoste, les témoins sont François Richard et Laurent Cordier. Ils confirment que c'est bien Simon Nief33, 48 ans, originaire de Franche Comté.

décès Simon

L. Cordier se dit incapable de préciser son statut familial en France. C'est un drame pour Marguerite, une nouvelle fois est confrontée au malheur. Son entourage va la soutenir. Ainsi Laurent Cordier se montera exemplaire, il s'occupera de l'enterrement en (3ème catégorie), de la pierre tombale et de la succession. Le croque-mort, Monsieur Dubuc, place Saint Antoine, fournit le cercueil plat sur charrette pour 6 $. En France, la nouvelle ne sera peut-être jamais connue et la vie suit son cours.

À Noidans le Ferroux, son fils François Nief, militaire aux 6ème cuirassiers de Vesoul va se marier à Louise Besancenot le 19 décembre 1858. Ainsi, à la demande des autorités, les enfants déclarent qu'ils ignorent "le lieu du décès ou du dernier domicile de leur père..".
mariage Fs Nief - 1 -
 
mariage Fs Nief - 2 -
AD Haute-Saône

Sa fille Elisabeth, couturière, elle aussi sans nouvelle de son père, épousera en 1859 François Chassard34 cultivateur propriétaire à Colombier. La cérémonie a lieu en l'église Saint Louis, la famille et les amis sont tous là.

Simon est enterré au nouveau cimetière de l'église Saint Louis. Le juge Hewells est bien ennuyé avec cette succession. Simon n'a pas de liens légaux avec Marguerite. Certes, ils vivent ensemble, élèvent 6 enfants mais pour les autorités de l'état, ils ne sont pas mariés. Marguerite est considérée comme sa concubine et donc privée de droits de succession. Il décide de mettre en vente à l'encan les biens de Simon.

Après l'affichage obligatoire dans la presse pour des recours possibles, le 4 décembre 1858, rue Saint Louis, Placide Spear le maitre priseur fait monter les enchères pour la vente de 2 terrains de 250 et 450m2 situés au centre-ville à Treme, rue d'Herbigny. Les prix s'envolent 300…400…500 dollars. Finalement, B Manant emporte la mise. Une partie des biens retournera à la famille, le plus petit des lots retournera à Marguerite. Le coffre en bois et les effets personnels de Simon partent pour 4.5 $. Le juge Lambert nomme Laurent Cordier "curator" c’est-à-dire responsable des biens. Laurent Cordier est son ami intime. Il s'occupe de la succession et s'il le faut, il défendra les intérêts de son amie face aux prêteurs et profiteurs sans scrupules.
En premier lieu, Monsieur Trémaille, celui qui lui a prêté 300 $ à 8% sur 3 ans, mesquin comme pas possible, ce personnage demande le remboursement des 5 $ qu'il avait donné à Monsieur Brandon pour avoir retiré le corps de Simon du Mississippi.
En second lieu, le bon docteur Dubeserg, véritable aspirateur de billets de banque. Il a facturé 75 $ pour "medical assistance" soit l'équivalent de presque un mois de salaire ouvrier. Le médecin légiste le docteur Lacoste lui demandera 1.5 $ pour le "certificat of death", l'attestation officielle.

Le 15 janvier 1859, Amédée Ducatel, le notaire public enregistre les transactions et met fin à l'affaire, à savoir : 677.85 $ de dépenses de remboursement soit toute la valeur des biens (300 $ de frais d'enterrement, 108 $ de frais administratifs et de succession, 116 $de frais ordinaires etc) et 41 $ de remboursement à Honorine Girardat pour un prêt à son beau-père (ce qui prouve leur solidarité).

succession Simon
Journal « l’abeille de la Nouvelle Orléans » - 1859 – 19 février – p2, col7

Les États-Unis comptent 32 millions d'habitants, Abraham Lincoln en est le président. C'est un républicain du nord. Le pays est en plein expansion territoriale (Nouveau Mexique, Californie, Arizona). Son développement industriel économique et politique est considérable, c'est une puissance reconnue qui va jusqu'à faire respecter le droit de commerce en Méditerranée. À la Nouvelle Orléans, des chercheurs d'or36 sont en partance pour la Californie, ils l'atteignent en bateau via le Cap Horn après plusieurs mois ou alors en passant par Panama une route de 75 km à pied pour reprendre le bateau côté Pacifique. Certains sur de lourds chariots partent en direction de l'ouest à destination de Sacramento. Ils devront affronter le désert, les montagnes rocheuses et le célèbre "Donner pass" (un col difficile) où beaucoup laisseront leur vie. Les Louisianais ne doutent pas de leur supériorité envers le Québec, ils se trompent, après la guerre de Sécession ils seront absorbés par la culture Américaine. Le Québec, plus avisé, composera avec la pouvoir anglais et gardera grâce aux lois sur la langue française, sa particularité.
L'afflux d'émigrants pose des problèmes et déclenche les fameuses "know nothing riots" qui opposent les conservateurs "American native Party" aux abolitionnistes. Les élections municipales sont un prétexte. Des milices, des comités de vigilance se forment. Les vrais américains ne veulent plus d'émigrants, ils ont trop d'avantages, conservent leur langue, ont des banques, des journaux, des églises. Les fondateurs Protestants des 13 colonies sont sur la défensive, ils ne sont plus que 30% dans l'Ohio, Cincinnati la ville du nord est allemande à 50%. Si la traite des esclaves a été supprimée au traité de Gand, la pratique de l'esclavage est courante dans le sud, l'économie agraire en dépend.
La ligne de fracture passe au niveau de l'état du Missouri. Ce nouveau venu est très courtisé par les Nordistes et les Sudistes. Chaque camp veut ses voix et obtenir la majorité à Washington.
Les esclaves, quant à eux, s'enfuient vers le nord jusqu'au Canada pour vivre libres. Leurs propriétaires du sud cherchent à les récupérer. La tension est palpable : Monsieur De Beauregard, un riche planteur du sud, est prêt à faire le coup de feu.

1860 Le 26 janvier, Marie-Julie Girardat, sa fille se marie à Jacques Marque.
C'est le juge E. Morel qui les unit à la mairie de la Nouvelle Orléans. Un avis est passé dans "l'abeille" le journal local. Les amis et la famille se pressent à la messe puis au repas de noces.
mariage Julie
Journal « l’abeille de la Nouvelle Orléans » - 1860 – 27 janvier – p1

Le 15 août de la même année, Marguerite est grand-mère, Marie-Julie donne naissance à Arthur Marque, le couple aura 6 enfants.

1861 Le 12 avril, la guerre de sécession commence. Un fort est bombardé en Caroline du sud, les Confédérés envahissent le Missouri à Wilson Creek. L'engrenage a commencé, il durera jusqu'en 1866. Les combats sont loin de la Nouvelle Orléans mais le calme est relatif, la même année éclate l'affaire du bateau "Trenton" sur ce navire anglais en pleine mer, 2 diplomates du sud sont capturés par les Nordistes. C'est un affront. Comment les anglais vont-ils réagir ? Vont-ils se mettre en guerre aux coté du sud ? Non ils restent neutres. La frontière entre le Canada et les USA est respectée, ils ont affaire ailleurs en Inde et en Australie.
Le 8 décembre, Napoléon mène une politique hasardeuse, il veut rétablir la monarchie des "Habsbourg" au Mexique et faire couronner Maximilien d'Autriche. Les troupes Françaises débarquent au Mexique.

Le 28 décembre, Honorine Girardat se marie à Alexandre Roux. Le juge Arthur Boucier les déclare unis à la mairie de la Nouvelle Orléans.
mariage Honorine
Journal « l’abeille de la Nouvelle Orléans » - 1861 – 30 décembre – p1

Dans cette ville, tout le monde se prépare à combattre, l'intendance doit suivre, il faut fournir des armes et approvisionner les troupes. Leur nuit de noces est probablement perturbée par l'explosion de la poudrière d'Alger, rive droite ; 5 tonneaux de poudre à canon stockés dans l'ancien hôpital de la marine explosent à 12h du soir......la nuit de noces est gâchée. Ce sera pour plus tard et ils auront de beaux enfants (le couple émigrera en Algérie, une nouvelle colonie française).
Les combats se rapprochent de la Nouvelle Orléans, il faut de plus en plus de soldats. Dans les journaux, des annonces patriotiques demandent des volontaires, la mobilisation est générale. Répondent à l'appel des réservistes des volontaires de la légion Française, des milices européennes, espagnole et italienne avec leur commandant Garibaldi. Des artilleurs, chasseurs à pied, matelots vont se battre avec courage et acharnement comme dans toutes les guerres civiles.

1862 Le 1er mai, la Nouvelle Orléans est prise par les Nordistes. Le Commodore W. P. Kellogg est nommé César jusqu'en 1877. Le maire de la ville, Monsieur Monroe, exhorte dans la presse locale la population à rester fière, à ne pas prêter serment aux nouvelles autorités, il rassure.
général Kellogg
Journal « l’abeille de la Nouvelle Orléans » - 1874-18 septembre - p1

La situation se dégrade : les exportations et l'économie vont mal, les denrées deviennent rares et chères. Les émigrants, les derniers arrivés surtout, sont dans la misère, certains pensent même émigrer au Mexique. Seule la solidarité a du sauver Marguerite de cette situation, elle vit avec un petit revenu, s'occupe de ses 3 enfants en bas âge, Cette guerre lui rappelle ce que ses parents ont connu en France après la chute de Napoléon : des troupes d'occupation, la misère, les maladies ; et encore survivre dans un village était plus facile que dans une grande ville.

Le 10 juillet, Julie Richard sa nièce se marie à Joseph Jacquet à la Nouvelle Orléans. Elle est arrivée avec son frère Joseph voilà 5 ans, malgré la guerre, ils gardent espoir et fondent une famille.

1864 Fin de l'offensive sudiste en Arkansas et au Missouri et échec de l'union au Texas sur la "red river". Les Indiens Cherokees s'allient alors aux Confédérés, mais cela ne changera pas le cours de l'histoire.
En avril de la même année, les cloches d'alarme37 sonnent en ville, des feux de cheminée se déclarent rue Poydras. Sur le fleuve, le navire "Sultana"38 explose et fait des centaines de morts. La fin des hostilités est déclarée, la paix est rétablie mais sans "habeas corpus". En ville, il faut soigner les blessés, remettre de l'ordre et relancer l'économie. Un port de cette importance assurant le commerce nord-sud est trop vital pour les États-Unis, ainsi la Louisiane va renaitre différente mais toujours avec ses particularités.
Le président A. Lincoln sort grand vainqueur de cette bataille. L'Angleterre conforte ses frontières canadiennes sans s'impliquer, Napoléon III se retire du Mexique et le pauvre Maximilien d'Autriche est fait fusillé. Sur l'échiquier européen, la Prusse s'affirme comme grande puissance, elle vient de battre l'Autriche à Sadowa. En Alsace, on est loin de tout cela cependant, dans quelques années, la guerre Franco-Prussienne va éclater. À nouveau, il y aura des drames et des départs.

1865 Le 18 octobre, parait dans le journal "Le Louisianais", un décret de Monsieur Rogers39, un élu de la ville, qui déclare l'abolition de la langue française, "the abolition of the French language throughout the several districts for the sake of regularity". Au bas Canada, le Gouverneur de sa Majesté ne l'a pas fait, ici, oui.

1866 Le 2 février, François Richard se marie à Marie-Claude Bacchus.
Le 19 mai, ce sera le tour de Joseph Richard, marié à Félicie Fortier, puis enfin du deuxième François Richard, qui lui se mariera à H. Beranger.
On peut penser que ces mariages ont été une succession de bonheurs pour Marguerite. Elle est entourée de sa sœur, de ses enfants et de ses petits-enfants. Avec un pincement de cœur, elle passe devant l'église Saint Augustin et les lieux de souvenirs. Depuis son arrivée, la ville a bien changé, elle aussi...... une petite paysanne qui est devenue citoyenne bilingue dans grande ville américaine.

1868 Le 5 avril, la nouvelle constitution américaine est écrite, elle accorde le vote à tous, la suppression de l'esclavage, la gratuité des écoles et surtout l'allégeance aux États-Unis d'Amérique.

1873 Le 2 aout, le théâtre de la Nouvelle Orléans est détruit par un incendie, il avait été construit en 1806 ; c'est un symbole qui disparaît. Les francophones maintiennent leur langue et leurs habitudes, ainsi John Duntz - 8 rue royale - se frotte les mains, le commerce reprend. Il vend du vin, des fromages de Munster. La mode de Paris fait recette, ces dames se précipitent pour mettre de nouveaux corsages ou porter des chapeaux de paille, etc.

Le même jour, Zélica Nief se marie à Charles Léonard Schneider à la Nouvelle Orléans. Les témoins sont L. Steuernagel, H.L Frantz et Marguerite Richard, sa mère40. Le juge de paix, W J Houston, leur délivre pour 500 $ une "licence de mariage"
mariage Zélica
Journal « L’abeille de la Nouvelle Orléans » - 1873 - 3 août - p1, col. 4

Cette même année, nait Amélie Marque, de Julie Girardat, sa fille.

1874 Le 16 septembre, Jules Girardat se marie à Mary Leiser.

1876 La famille s'agrandit encore avec deux nouvelles naissances : celle d'Honorine Girardat, le 24 mars, fille de Jules et Mary Leiser, ainsi que celle de Charles Schneider, le fils de Léonard et Zélica Nief 41. Pour Marguerite, tous ces mariages et ces baptêmes lui tournent la tête, mais à 63 ans, entourée de ses enfants et petits-enfants, elle est heureuse et partage avec sa sœur Anne-Marie des moments de bonheurs et des souvenirs.

De France, elles apprennent que l'Alsace est repassée sous l'empire allemand. Faverois a été épargnée comme la région de Belfort. La guerre provoque à nouveau un nouvel afflux d'émigrants ici à la Nouvelle Orléans.

Marguerite partage sa vie, entre sa famille et des associations de bienfaisance comme "la Société du sud" et elle aime écrire ; cependant sa santé est devenue fragile, Elle a des problèmes pulmonaires. La chaleur torride de l'été et les hivers froids lui seront bientôt fatals. Elle réside 213, Bourbon street, avec son fils Paul Julien Nief qui lui présente Antoinette et annonce son mariage. Cette nouvelle la comble de joie, Paul est son fils préféré.

Detroit Publishing Co, P., Jackson, W. H., photographer.
(1880) The old French Market, New Orleans. [between and 1897]
[Image] Retrieved from the Library of Congress, https://www.loc.gov/item/det1994023522/PP/

1884 - 1885 Paul et Antoinette ont tout pour réussir mais Paul mourra le 16 janvier.
L'abeille de la Nouvelle 8 octobre 1885
Faire-part de décès de Paul, Abeille de la Nouvelle Orléans, 17 janvier 1885

C'était un garçon prometteur et sociable, comptable. Il organisait et rédigeait des comptes rendus d'associations bénévoles. Sa grande passion c'était aussi son épicerie, il passait des annonces dans la presse pour vanter ses produits. Elle était située rue Philippe sur le marché Français au lieu-dit "blue stand."
Marguerite est maintenant bien fragile, elle est soignée depuis longtemps par un médecin. Elle meurt, à 65 ans, le mardi 1er avril 1884 à son domicile d'une maladie pulmonaire. Son avis de décès passe dans la presse et le lendemain quitte son domicile, à deux heures, le cortège l'emporte en l'église puis au cimetière de la Nouvelle Orléans.

L'abeille de la Nouvelle O. 2 avril 1885
Abeille de la Nouvelle Orléans, 2 avril 1884

En France, le journal de Belfort annonce son décès. Au village de Faverois, il ne reste que peu de personnes de sa famille, La guerre franco-prussienne a provoqué des déplacements de population.
En Louisiane, la succession est assurée par sa fille Zélica. Les notaires Octave Morel et son frère mènent l'affaire du bureau 32 au 180, Common street à la Nouvelle Orléans. Ils évaluent les biens, pas grand-chose, le seul ayant de la valeur, c'est la parcelle de terrain de 250m² située 2, rue d'Herbigny, celle qui a appartenu à Simon Nief. Elle est évaluée à 400 $.

New Orleans 1885 Ilet22
La Nouvelle Orléans, 1885 / Collection David Rumsey /
New Orleans Industrial and Cotton Centennial Exposition
Emplacement du secteur concerné

Ilet délimité par les rues Derbigny,
Laharpe, Lapeyrouse et Roman
L'honorable D.Saunders "attorney at law" représente les héritiers absents. Lui et Jules Vienne, le juge, décident qu'une partie des biens, soit 300 $ sera récupérée pour payer les dettes, taxes et salaires. Une vente aux enchères a lieu. « L'encanteur » fait monter les mises, les mains se lèvent et pour 290 $, le terrain est vendu. Les frais d'inventaire, de mise aux enchères, de taxes de la ville s'élèvent à 113.10 $, les soins du docteur F. De Revaldes à 65 $ et avec les impôts divers, on arrive à un total : 245.03 $. Reste un solde positif de 44.97 $.

succession Marguerite AVIS DE SUCCESSION
Succession de Marguerite Richard, veu-
ve en première noce de Louis* Girardat et en
seconde noce de Simon Nief

COUR CIVILE DE DISTRICT pour la pa
roisse d'Orleans - No 14400 ? - Division E
- Attendu que Mme Léonard Schneider à présen-
té une pétition à la Cour à l'effet d'obtenir des
lettres d'administration dans la succession
ci dessus nommée décédée intestat avis
est par le présent donné à tous ceux
que cela concerne d'avoir à déduire dans les dix
jours les raisons pour lesquelles il ne serait pas
fait droit à la dite pétition.
 Par ordre de la Cour
W. J. McGEEHAN Greffier
19 mai - 19 23 28

* erreur sur le prénom
vente succession Marguerite Succession de Marguerite Richard,
veuve en premières noces
de François Girardat
et en secondes noces
de Simon Niefe
Par JAS. P. GUINAULT encanteur - Bu-
reau Passage de la Bourse et Bienville -
SAMEDI 1er août 1885, il sera vendu, à midi, à
la Bourse d'Encan en l'Hôtel St-Charles, rue
St-Charles, en vertu d'un ordre de l'Honorable
Cour Civile de District pour la paroisse d'Or-
léans, en date du 25 juin 1885.
 Un lot de terres avec toutes les bâtisses et amé-
liorations qui en dépendent, situé dans le 3me
district de cette ville, désigné sous le No 2 de
l'ilet No 22, compris entre les rues Derbigny,
Laharpe, Lapeyrouse et Roman, lequel lot de
terre mensure 32 pieds de face à la rue Derbigny
sur 81 pieds 8 pouces de profondeur.
 Conditions--Comptant.
L'acquéreur paiera sus du prix de vente
les taxes dues en 1883.
 Acte de vente pardevant Octave Morel, no-
taire.
 30 juin--4 juillet 11 18 25 1er août
Journal "L'abeille de la Nouvelle-Orléans" - 1885

Léonard Schneider s'occupera de la succession. Le 15 août 1885, un avis est passé dans la presse pour un recours éventuel et le 1er septembre l'affaire est close.

(LISA) Dans un acte passé devant un juge civil, Zélica Niefe, épouse Schneider, demande à être administratrice de la succession de sa mère.
Ce document vaut surtout pour les précisions sur les enfants de Marguerite (présentée ici comme veuve de Simon Niefe en secondes noces) :
Du premier mariage (François Girardat est appelé Louis) : Jules, Leger, Julie femme de Jacques Marque et Honorine, femme Leroux, domiciliée à Alger.
Du second : la demanderesse Zelica, et feu Paul Niefe, mort intestat le 15 janvier 1885.
La succession de Marguerite tient en "a piece of real estate of very small value".


Marguerite meurt pauvre (44.97 $ - bilan de sa succession), mais sa vie a été une belle réussite et une aventure.
Elle a traversé l'Atlantique en voilier avec 3 enfants, perdu deux maris, affronté la guerre de Sécession pour enfin mourir le 1er avril – un jour de fête.

Les années 1884 et 1885 sont douloureuses pour la famille, la mort frappe de sa faux bien aiguisée : deux enfants de Marguerite meurent dans l'année qui suit, d'abord Paul en janvier puis Zélica en octobre.

L'abeille de la Nouvelle 8 octobre 1885 L'abeille de la Nouvelle 25 mai 1886
Faire-part de décès de Zelica, Abeille de la Nouvelle Orléans, 8 octobre 1885 Faire-part de décès de Julie, Abeille de la Nouvelle Orléans, 25 mai 1886
; sa tombe se trouve à Oak Laurel Cemetery, vault 35
L'abeille de la Nouvelle 13 juillet 1890
Faire-part de décès de Jules, Abeille de la Nouvelle Orléans, 13 juillet 1890
(âge cadrant parfaitement avec la naissance de 1849)


arbre Richard

On n'a mentionné dans cet arbre que les individus cités dans le texte.
L'enfant "F.", figurant dans le recensement de 1850, pour lequel aucune référence n'a été trouvée, a été omis.


NOTES :
1 Wikipédia Faverois. Repéré à https://fr.wikipedia.org/wiki/Faverois
2 MICHEL, Guy (1969) La Haute-Saône Tome I p22 (SALSA. Archives départementales Haute Saône, 14 b rue Miroudot,Vesoul)
3 G1RARDOT, Jean (1969) La Haute Saône, Tome 1 p37 (SALSA)
4 TODD, Emmanuel (2011)) L'origine des systèmes familiaux» (Gallimard, Archives nationales, Paris)
5 Wikipédia L'Alsace — Le Haut Rhin — Histoire du département du Haut Rhin
6 H. BALZAC «Le soldat Laboureur» - P. BRIDEAU Au Texas 4/8/849 - Paris Archives Nationales
7 G. JEANNEY «Nos cousins d’Amérique » Edition CABEDITA 2007 p20 - Archives départementales Haute Saône 70000 Vesoul / M. DOYLE – «Our French Ancestors» Beaver Creeck Ohio-Usa
8 SNCF – «Ligne Paris – Rouen – Lemaure 1841» - Cercle historique de Nanterre – Feu 2016 – Office du Tourisme – Ville de Nanterre 93
9 Jean BRAUNSTEIN «En route pour l’Amérique» - Annales de Normandie 1991 - Persée
10 F. RUDE « Allons en Icarie » Récit de 2 ouvriers Dauphinois en 1855 - PUF Grenoble 1952 "Les Passagers". Archives Départementales 38000 Grenoble
11 F. RUDE « Allons en Icarie » « Paix de la Traversée » « La nourriture sur mer » 12 Février 1855, « Un homme à la mer » « Un décès » 16 Février 1855
12 G. DAVID "The rise and fall of indentured servitude in America". An economic analysis Journal of economic history 1984 - p144 – 126- Library of congress Washington - DC – USA
13 Famille VON FLIE-GROSS-HELLER « L'émigration d'Alsace » – 1849 des villages de GUNDOLSHEIM – BILTZHEIM vers le Texas" STRUCKMEYER – SCHOWALTER – NENNO – Family tree C. BRASSEAUX – « French immigration into LA » - 1820 – 1852 – Vol. 3 – 1993 – Library of Longress – W – DC
14 F. RUDE « Allons en Icarie » - PUF 1952 Grenoble "les Iles Açores" 1855 – La Nouvelle Orléans – Mars 1955- 5 Mars. Archives départementales de l'Isère - 38000 GRENOBLE
15 Rebecca BURLEND “A true picture of emigration impartial account" New Orleans 1831 – Library of Longress 1836 – Washington–DC – USA
16 Entretien avec S. BECHET – FRANCE Musique – Maison de la Radio – PARIS
17 Journal « Le Louisianais » 18 octobre 1865 p2 – Journal "L'abeille Nouvelle Orléans" 15 octobre 1885
20 James DEBOW – Review – “The past and present times of New Orleans" Novembre 1849 p420. Alex LAZARD – DAVID WEIL 1842. Lettres Nouvelle Orléans - Archives Familiales 28 janvier 1881 – Sarreguemines, 57, Elisée RECLUS « Fragments d'un voyage à la Nouvelle ORLEANS » 1855 – Archives Nationales – Paris Xavier EYMA « Souvenir d'un voyage aux USA »- 1847/7 mai publié 1853-1854 – Archives nationales Paris LAZARD frères et JOLES KAHN – Archives Familiales - 57 – Phalsbourg. F. J. HOUDAILLE « Les français à la Nouvelle Orléans » 1850-1860 - PERSEE 1996 Vol. 51 n° 6 (F)
21 Eliza RIPLEY "As it was in New Orleans my days" 1850 — Appleton N-Y 1912 p 107
22 F. NIEF "En route pour l'Amérique" - Simon NIEF 1809-1898. Archives Haute Saône
23 Juge of Peace - Marriages in Louisiana – 1807-1825 – City archives Nouvelle Orléans library - 219 Loyola av. LA - 70112 - USA
24 Diocèse de la Nouvelle Orléans – 7887 Valmsey Av. New Orleans – LA 70112 - USA
25 Zelika NIEF — Birth index records — 1852 — city archives Nouvelle Orléans library — 219 Loyola av. — Nouvelle Orléans — USA - http:www.usarchives.net/laorleans.htm
26 Diocèse de la Nouvelle Orléans —Archives église Saint Augustin — 22 nov. 1852 — 7887 Valmbey av. — Nouvelle Orléans — LA — USA
27 Simon NIEF — Fillothèle notarial — Archives de la Nouvelle Orléans — 1340 Poydras suite 360 — 16 nov. 1854 — Nouvelle Orléans — LA 70112 - USA
28 Virginie NIEF — Diocèse de la Nouvelle Orléans — Archives église Saint Augustin 1855
29 Paul NIEF - Diocèse de la Nouvelle Orléans Archives église Saint Augustin — 22 avril 1856
30 Paul NIEF « Daily Picayune » - 1884 - 11-9 novembre — p9
31 Succession Paul NIEF — French Market — "Blue Stand" — Journal "Daily Picayune" —18 janvier 1885 — p12 — 12-14 octobre — p4,5
32 Marie Richard — Village Faverois — 1858 — Les émigrants... de A à Z — Archives départementales Haut Rhin — 68000 Colmar ; indexation LISA
33 Death certificate Simon NIEF by Dr P. Lacoste ; F. RICHARD — L. CORDIER — témoins — 17 sept. 18e 8 - Nouvelle Orléans — Death records — City Archives Nouvelle Orléans - Library ; Succession Simon NIEF n° 14547 — Death records — 1846 — 1880 — Le District — Old Parish Nouvelle Orléans.
34 E. NIEF — Mariages - Archives du village de Noisdans le Ferroux — 70 — 27 juillet 1859.
36 John SUTTER — Gold Rush 1849 — « de Bâle en Californie" — 1834 — 1848 — Paru en 1852 — Archives nationales Paris F.
37 Cloches d'alarme — incendies — journal « l'abeille de la Nouvelle Orléans » — 1865 — 20 avril — pl
39 Journal "Le Louisianais", 9 dec 1865 ; New Orleans City Council, M Rogers decret, revue des exercices généraux, 18 oct 1865
40 Recorder marriages — City of New Orleans — Archives de l'état de Louisiane — Bâton Rouge — LA — USA — 8/2/1873 veb 678/2273
41 Birth records — City of New Orleans — 12/26/1876 — 68/389 —. Archives d'état de la Louisiane — Bâton Rouge — LA — USA

Cet article est publié par LISA sous la seule responsabilité de son auteur.
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